Il y a des noms comme ça, qui flottent dans l'air, et que l'on attrape au hasard d'une rencontre, de circonstances favorables. THOMSEN, hop ! Barish KEPIC, dans la besace ! SANDALINAS, c'est dans la boîte ! Des noms de guitaristes hors pair, au talent à revendre, qui peinent à trouver la reconnaissance qu'ils mériteraient, noyés dans cette musette grouillante de musiciens aux cheveux gras et aux bouts de doigts couverts d'une corne formée à l'issue de milliers d'heures de pratique. Des noms que l'on voit apparaître, de temps en temps, sur des albums par ailleurs souvent salués par les critiques et amateurs de musiques distordues. Des albums nés de cette passion inextinguible, de cet impérieux besoin d'exprimer son savoir-faire. Des "one-shots", ou des projets parfois plus pérennes, qui ne suffisent pas malgré tout à mettre tous les jours de quoi bouffer sur la table. Alors, portés par ce terrible entre-deux, cette satisfaction d'avoir créé quelque chose, cette frustration de ne pas avoir pu aller plus loin dans l'expression de leur art, les guitaristes s'en vont, vers le soleil couchant, accomplir leur destinée loin des spotlights.

SANDALINAS fait partie de cette vaste catégorie de groupes qui avec des "si", des "peut-être" et des conjectures, auraient pu se faire un nom sur la scène Power Mélodique. Son géniteur, Jordi (Sandalinas, donc), espagnol à l'état civil, suédois d'adoption, a longtemps poncé ses gammes au Conservatoire de Musique de Barcelone, au piano tout d'abord, avant la catastrophe, l'événement, l'accident, à savoir la découverte d'Adrian Smith et de la musique d'IRON MAIDEN. C'est ainsi sur une guitare qu'il usera désormais ses doigts, étudiant au Conservatoire de Musique de Milford, en Pennsylvanie. Par ailleurs titulaire d'une chaire en droit (eh oui, rappelez-vous, ce besoin de mettre à bouffer sur la table), Jordi lance en 2001 le projet qui portera son nom. Quelques EPs confidentiels sont publiés, avant que Massacre Records lui accorde sa confiance pour la réalisation, en 2005, d'un premier album, produit et chapeauté par Andy LaRocque, guitariste de KING DIAMOND. Au moment d'envisager la suite, ce brave Andy est d'ailleurs le seul sauvé des eaux, puisque Jordi décide de renouveler complètement son entourage. Après avoir tourné en Espagne en compagnie de SCORPIONS, Y&T et surtout Yngwie MALMSTEEN, le musicien a vu son carnet d'adresses s'enrichir de nouveaux contacts. Ce sont ainsi deux membres du groupe de MALMSTEEN, Mick Cervino et Patrick Johansson, qui sont invités pour enregistrer la basse et la batterie. Pour tenir le micro, Rick Altzi et sa voix puissante et rocailleuse sont convoqués. Sans oublier, évidemment, les quelques invités qui sont le sel de ce deuxième album : Derek Sherinian, qui offre un beau duel entre claviers et guitares sur la ballade finale, "Seasons In The Sand", Chris Caffery, auteur de deux solos, et Andy LaRocque lui-même. Ajoutez à cela une pochette signée Derek Riggs, qui oeuvre ici loin du style qui l'a rendu populaire, pour une somme d'atouts à même de rendre satisfait un Jordi Sandalinas bien trop heureux d'avoir réuni tant de grands noms sur son album. Dommage que la musique ne soit pas tout à fait à la hauteur.

"Fly To The Sun" est un Heavy dans la plus pure tradition européenne. Il y a, en effet, de quoi se réjouir à l'écoute du morceau d'ouverture, qui donne son titre à l'album, qui proclame tel un héraut la volonté de SANDALINAS de frapper plus fort que sur son premier album. C'est réussi, puisque ce titre très énergique voit Rick Altzi porter avec flamboyance et de sa voix de baryton des mélodies et surtout un refrain particulièrement enthousiasmants. Sans se mettre en retrait, Jordi Sandalinas évite la démonstration gratuite, et se met parfaitement au service de ce Heavy particulièrement percutant, promesse d'un album réussi. Et puis, peu à peu, les bonnes idées s'étiolent, ses bonnes intentions se trahissent, et l'album peine à se maintenir au niveau de ce titre d'ouverture. Quelque part entre MASTERPLAN et Axel Rudi PELL, SANDALINAS parvient tout juste à donner vie à son Heavy. Il y a de bonnes choses, c'est une évidence, sur cette musique souvent lourde, qui peut par moments évoquer le BLACK SABBATH période Tony Martin. Mid-tempo engagé, "Never Seen Before" est un bon moment, tout comme le riffu "No Matter What" qui, de manière surprenante, sonne un peu comme du TARAXACUM. Il y a un professionnalisme évident dans l'interprétation, mais il y a également ce petit résidu d'artisanat naïf, SANDALINAS donnant parfois l'impression de croire qu'un bon motif mélodique d'une trentaine de secondes peut s'étaler sans contraintes sur plus de quatre minutes.

Quelques refrains nous embarquent ("As the Rain Falls"), mais l'album, qui souffre grandement d'un manque de variété des tempos sur sa deuxième moitié, s'enlise dans une sorte de heavy sans vie, qui permet tout juste à ses interprètes de briller. L'ennui nous guette à l'écoute de "Ring Of Fire", ou de "The Wrong Side of Me", aux intentions plus Hard Rock, et c'est poliment que l'on accueille la ballade finale, "Shadows In The Rain", dont le moment de bravoure est le duel guitare/claviers mentionné plus haut.

Le recul aidant, la proximité avec MASTERPLAN (qui a depuis recruté Rick Altzi) se fait plus frappante, et ne joue pas en faveur de la musique de SANDALINAS. Loin d'avoir publié un album honteux, le guitariste espagnol livre ici un Power Mélodique honnête, solidement interprété et mis en son, qui manque néanmoins d'une meilleure qualité d'écriture pour lui permettre de s'extirper de la masse. Jordi n'a pas à rougir, il a pu exprimer son talent, et le pain trône fièrement sur le bord de la table.

2,5/5.