Pour être tout à fait transparent avec vous, ça faisait des lustres que je ne m’étais pas intéressé à un nouveau disque de SHAMAN. Incroyable n’est-il pas, moi qui avais adulé l’incroyable premier album et certainement le chef d’œuvre unique du groupe brésilien à ce jour. Une formation née des cendres d'ANGRA, faut-il encore le rappeler. Je ne crois même pas avoir jeté une oreille sur "Immortal" (2007) et sur "Origins" (2010) comme si la magie du groupe s’était complètement évaporée après "Ritual" (2002), disque tout à fait exceptionnel donc, et porté par les vocalises si caractéristiques et spectaculaires d’un certain André Matos, malgré un second opus "Reason" très correct de mémoire mais qui n’avait plus grand-chose à voir avec le côté brésilien et 'shamaniste' de "Ritual".

2022. Voici le retour de SHAMAN après douze années d’absence. Sans André Matos malheureusement qui, avec les frères Mariutti, étaient pourtant de retour dans le groupe en 2017 au côté du batteur Ricardo Confessori, l’idée même d’un nouvel opus germa alors… Mais comme vous le savez André Matos est décédé le 8 juin 2019 d’une crise cardiaque. C’est donc avec un nouveau vocaliste, Alírio Netto (frontman du groupe ibérique AVALANCH), que SHAMAN nous délivre là son nouveau (et dernier ?) disque "Rescue".

Et force est de constater que Alírio Netto sans égaler son illustre prédécesseur et compatriote André Matos, réalise globalement une prestation correcte, avec une personnalité certaine et un timbre assez mélodique. Les ressemblances vocales avec André Matos restent bien évidemment perceptibles par endroits (sur "Time Is Running Out" notamment) mais minimes. De mon point de vue Alirio Netto ne module pas suffisamment ses vocalises et ne se lâche décidément pas assez vocalement (peu de notes aiguës atteintes je trouve et c’est un vrai manque) comme s’il était régulièrement sur la retenue. C’est peut-être aussi parce qu’il ne peut pas. Dommage car je pense que certains titres ici présents auraient pu gagner en aura et en impact avec peut-être plus de puissance et de lâcher-prise dans le chant. Je pense notamment à "The Boundaries Of Heaven" et à ses belles envolées guitaristiques - comme au bon vieux temps - et à "What If?" deux compositions avec un certain potentiel, mais qui pour le coup tombent un peu à plat, le rendu restant malheureusement un peu fade.

Car bien sûr on ne va pas se le cacher, cet album de SHAMAN se situe à des années-lumière des chefs d’œuvre d’ANGRA, de "Ritual" aussi et a quand même beaucoup de mal à soutenir la comparaison ne serait-ce qu’avec les derniers Edu FALASCHI ("Vera Cruz" et "Eldorado") ou même avec le petit dernier d’ANGRA ("Cycles Of Pain") qui n’est pourtant pas exempt de tout reproche. Pourtant tout n’est pas à jeter sur ce "Rescue" loin de là. Quelques bonnes idées dans l’ensemble, à commencer par cette belle entrée en matière qu’est "Tribute", long instrumental avec orchestrations et un chouïa d’acoustique qui débute le disque de manière assez mélancolique, et presque émouvante comme pour mieux dire un dernier au revoir au défunt André Matos (?). Ce "Rescue" justement en est truffé de ces moments un peu moins enjoués que de coutume, tristes et sombres comme sur "Where Are Your Now?" qui joue davantage sur nos cordes sensibles. Son introduction est là aussi des plus mélancoliques avec son duo piano/violon, avant que le morceau ne prenne par la suite un peu plus de rythme et nous délivre un refrain un peu plus folâtre.

Dans un registre tristounet, on citera bien évidemment la balade touchante et assez théâtrale qu’est "Gone Too Soon" (un bel hommage à André Matos), violon et piano à l’appui, avec ses quelques guitares à la Brian May (balade qui là aussi aurait fortement gagné en envergure avec un André Matos au chant) ou bien encore ce passage plus sombre et émotionnel sur le pourtant très bon "The «I» Inside" titre beaucoup plus enjoué et un des meilleurs morceaux de "Rescue", avec un solo guitare tout en dextérité (limite langoureux) et un travail admirable de Ricardo Confessori à la batterie. Parce que SHAMAN sait aussi rappeler à notre bon souvenir d’où il vient et à quelles racines il est rattaché. Tant et si bien qu’il agrémente aussi et à dose homéopathique certaines compositions de quelques sonorités ethniques (brésiliennes accessoirement c’est mieux) comme l'intro/outro 'indigène' du mid-tempo "Brand New Me" (limite balade) et percussions comme sur "The «I» Inside" justement ce qui n'est pas pour me déplaire moi qui suis fan d’un album du nom de "Holy Land". Idem sur le titre qui ressemble certainement le plus à l'« ancien » ANGRA, énergique à souhait comme au bon vieux temps, soit ce "Time Is Running Out" qui nous ramène quelques années en arrière avec ces guitares incandescentes (époque "Fireworks") et qui propose un break des plus lumineux apportant ce petit grain de dépaysement et zeste d’exotisme en même temps que Luis Mariutti fait résonner sa basse. Parmi les titres enjoués de "Rescue", on citera également "The Spirit", plutôt sympathique avec ses quelques relents HELLOWEEN-iens mais qui sait aussi dégager une certaine ambiance, sans être exceptionnel non plus, et "Don’t Let It Rain" qui lui apporte un peu de fraîcheur et de bonne humeur avec sa trame mélodique des plus guillerettes et ses notes de flûteau.

Vous l’avez bien compris, "Rescue" n'est pas l'album du siècle c'est clair mais il possède quelques bonnes idées et compositions notamment en première partie d'album (au moins les quatre premières) qui rappelleront l'ancien ANGRA voire l'ancien SHAMAN, sans pour autant renverser la table hein ! La suite est nettement moins mémorable et beaucoup plus quelconque (et bancale avec l'interlude et la balade de fin "Resilience"). Par ailleurs "Rescue" ne déploie pas toujours des ambiances joyeuses (l'adieu au Maestro André Matos oblige !), j'aurais personnellement préféré des morceaux plus optimistes. L'autre point décevant du disque est sans conteste la production signée Sascha Paeth (une connaissance de longue date et déjà à la manœuvre sur "Angels Cry") qui n'est littéralement pas optimale, et qui ne met pas suffisamment en avant et au final les harmonies vocales de l'ami Alírio Netto.
Enfin, à l’heure où j’écris ces lignes, sachez que SHAMAN a peut-être délivré là avec "Rescue" son album testament puisque le groupe a de nouveau splitté en 2023.

Note: 2,5/5 arrondi à un généreux 3/5.

Morceaux Préférés : "Time Is Running Out", "The 'I' Inside", "Don't Let It Rain", "The Spirit".