- Ah tiens salut Swartadauþuz, tu vas bien ? Alors tes projets musicaux avancent ? Tu en es à combien, je veux dire d’aboutis et pour lesquels t’as des retours extra ?

- Écoute Déhà moi j’ai une vie en dehors du studio, je dois ramper dans la nuit chaque jour pour regagner mon antre sous les gifles du blizzard suédois, pas de quoi me taper une moule-frites chaque soir bien au chaud. Mais bon je veux bien répondre à ta question : si je te dis que j’en ai une bonne vingtaine toujours sur le feu ça te va ? Et toi t’as encore dupliqué ou rajouté une branche à l'arbre généalogique de tes groupes ?

- Putain, faut que je parte en cure, ça devient grave. Des esprits malins ou mal-placés m’ont dit d’aller consulter un addictologue pour poser un diagnostic, je procrastine grave mais à quoi bon tu me diras ? Apparemment cela s'appelle la studiorexie, enfin un truc dans le genre. Bref, je réponds. Moi c’est plutôt une trentaine et cette année bordel (ndlr : il parle de 2021) j’ai accouché de quinze albums. Tu crois que l’on a un blême ?

- Je ne sais pas mais je dois dire qu’entre camés de la composition nous nous retrouvons bien, et cela m’inspire incroyablement. Qu’est-ce que l’on pourrait explorer tous deux ? Le Funeral Doom ça te va, j’ai envie de napper les ténèbres de mon clavier funèbre et d’embarquer tes riffs et ton growl outre-tombe. C'est bon pour toi ? On enverra plus tard cet album à un petit chroniquer français que j’ai remarqué. Il se pignole pas mal sur ce que je fais notamment. S’il savait ce con comme je lui crache à la gueule…

- Écoute, j’ai fini ma barquette donc on peut y aller, je sens que ça monte. Oh oh oui ça vient c’est dingue comme c’est puissant ! Je parle de l’inspiration hein ! Je te rassure, pas de ça entre-nous. Oh quoique.. enfin.. on verra bien. Je vais te montrer la profondeur étroite de mon growl tu verras ! Je te dis que cela ! Tu vas pouvoir me dévoiler toute l’agilité de tes doigts sur ce synthé qui a tant fait parler de toi…

Stop ! Censure oblige, vous savez bien. Le domaine privé, la diktat du wokisme m’obligent à rester bien sage et à ne plus me gausser autre part que dans la sphère intime de mon cerveau. Bref, passons, c’eût été drôle mais il y a bien mieux à dire sur ce projet intrigant réunissant les deux plus gros pondeurs d’œuvres intéressantes que je connaisse et apprécie. INIQUITATEM avait plutôt démarré mollement. Les deux albums précédant celui-ci se larvent dans du Dark-Ambient à la petite semaine, mais "Through Dead Forests, He Dwells" dévoile enfin la majestuosité lourde et opaque d’un Funeral Doom symphonique collé aux parois des abîmes, depuis l’arrivée de Déhà.

Sans cesse écorchés par le basalte de ces précipices, nos lambeaux de chair n’en ont pas fini de flotter - tout du long de ces six titres – au sombre vent d’une mélancolie stuporeuse noirâtre et viciée. Par l’intermédiaire des nappes des claviers de brèves lueurs semblent apparaître mais dévoilent avant tout des visions de désolation. SKEPTICISM n’est pas très loin comme certains titres de EVOKEN… Difficile de résister et de tenir encore devant l’appel du vide de "Impediment". Les leads désespérants et le clavier funeste qui se manifestent par des chœurs témoignent du désenchantement le plus total. Le duo Déhà/Swartadauþuz nous fige de tristesse devant notre propre tragédie. Elle se dresse devant nous, puis grandit et nous toise, nous enveloppe pour mieux fondre sur nous.

Si vous appréciez les ambiances désespérées du Funeral Doom avec une pointe de folie à la WORMPHLGEM – du moins dans le scénario possible – cet album de INIQUITATEM vous invite à votre dernière danse. De l’envoutant et court (comptez plus de quatre minutes tout de même) "Immaculate" qui porte si bien son nom paré de ses éclats lumineux et nostalgiques, aux deux très beaux titres empreints d’émotions fortes et contrariées "Imperfect" et "Immemorial", cet album se veut être la dernière lampée d’oxygène avant la chute intime, lente mais sans possible retour. Comme une ultime traversée de la trajectoire de sa vie, INIQUITATEM est l’expression même des funérailles et de l’ultime effroi. Diantre que c’est beau, triste et cauchemardesque à la fois.