Je me doute qu’en vous présentant des groupes ou plutôt des émanations sorties des bas-fonds de charniers putrescents, ma cote de chroniqueur amical en prend un coup. Mais au fond à quoi peuvent bien servir ces chroniques de Black Metal underground sur un site généraliste dont peut-être la moyenne âge des lecteurs pourraient affoler ? Si je pouvais définir ma quête à ceux-là, j’aimerais leur indiquer qu’elle suit une trajectoire qui sans doute parle aux plus désastreux d’entre-nous. Ultime rêverie maussade où collisionnent les émotions blafardes et spastiques, je prends comme nombre de lecteurs (très certainement à la marge) mon bâton de randonnée pour faire volontiers chemin vers mon moi étrange. Au final je m’aguerris dans la noirceur et les pérégrinations des âmes. J’éprouve et je questionne sans cesse les oraisons et les aurores rougeoyantes. J’erre aux heures et j’erre toujours, encore et à nouveau encore dans ma pensée, je la blesse, je la pousse à bout en me nourrissant du fiel d’un Swartadauþuz par exemple, qui n’a pas son pareil pour accoucher et sublimer des ténèbres sa pensée magique et crépusculaire.

Je reconnais en ce frère, un jardinier des enfers, un spectre des brumes, une âme perdue des temps modernes mais surtout un génie du Black Metal, un touche-à-tout délicat et suprêmement inspiré qui transforme la boue en permafrost, et qui fait circonvoluer le Styx autour de tous paysages pacifiques. C’est ainsi. D’autres ont essayé et se sont fait pousser des ailes sans jamais pouvoir atterrir, mais lui, Swartadauþuz, les a brûlé dès les premières heures pour vivre son enfer authentiquement et abondamment. MUVITIUM est un de ses projets géniaux, et ce premier album - "Evighetens Cirkel" - est une parenthèse désenchantée superbe qui allie un Black Metal froid et glauque mais se sachant vaporeux et tout aussi gracile, et mécaniquement rare et précieux. Cet album est un voyage plein et saturé d’ambiances souterraines, forestières et brumeuses. Labyrinthiques, les claviers en toile de fond savent agiter et tordre les anges.

Prenez la superbe pièce qu’est "Under En Iskall Natt" et respirez à plein poumons ce brouillard épais et froid qui vous enivre les narines avant de vous ensorceler, vous obligeant à fermer les yeux et à partir vers probablement un au-delà. Mieux qu’un BURZUM ou tous autres groupes de seconde zone, MUVITIUM sait manier habilement sa barque dans un mid-tempo larvé où sillonnent une basse bien audible, des riffs qui vous cisaillent, et produisent un travail de sape hypnotique et très finement portés par la voix spéciale de Swartadauþuz rarement à ce poste par ailleurs. Prenez le temps avec "I Nattsvart Dunkel" et subissez ou ressentez le talent précieux de son géniteur. Les voix de cathédrales, le chant clair, hurlé ou guttural forment un amas d’émotions transies par les bourrasques. Les leads sont beaux et dévoilent quelques fins rais de lumière. À l’écoute de ce titre comme du précédent, il nous est aisé de percevoir le message énigmatique de Swartadauþuz, comme si nous en comprenions enfin le sens caché et/ou implicite. Tout comme les premières secondes du titre introducteur, "Evig Vandring Till Gamla Riken", nous le laissait percevoir, ce premier album nous laisse emprunter un chemin sinueux parsemé de mystères et louant les ténèbres que nous aurions loisir et besoin de déchiffrer tout du long.

"Evighetens Cirkel" constitue dans sa globalité la très belle réussite d’un Black Metal atmosphérique lugubre et à son apogée d’ensorcellement que je suis fier de vous partager. Difficile de couper court ou de s’impatienter à son écoute. C’est un album de la nuit, un album qui ne laisse pas indifférent. En écrivant cela, je réécoute le maudit et fascinant titre "De Viskande Vindarna" et j’ai peu de peine à me le confirmer. Si vous cherchez la quintessence du Black Metal, MUVITIUM est pour vous et vous seul jusqu’à la prochaine écoute.