Si vos suivez un peu les pérégrinations du haut du panier du Black Metal slave, il n’est pas impossible que vous estimiez les travaux habiles et toujours très atmosphériques de Wojsław (STWORZ, AŪKELS, WEDRUJACY WIATR, RIVERS LIKE VEIN). Deux chroniques de ce païen convaincu, pour l’heure, égrènent le site, même s’il serait bien plus honorant de compléter les différentes discographies. Son travail esthétique est toujours empreint d’une certaine nostalgie des cultures et de l’histoire passée qui ont traversé la Pologne. Si je vous parle de lui c’est parce que HRTKOS est constitué d’un duo : Mir et Razor. Quand le premier a créé STWORZ avec Wojsław, le second occupe une place tout aussi centrale que Wojsław actuellement au sein de WEDRUJACY WIATR. Vous suivez ? Bref, pour vous dire que ces trois-là se connaissent très bien et ont produit un beau paquet de disques dont je vous conseille l’écoute. Empressez-vous, dans un premier temps, de jeter une oreille sur les trois albums de WEDRUJACY WIATR, vous ne le regretterez sûrement pas.

Passons à HRTKOS car il est bien temps de découvrir ce Black Atmosphérique profond et densément mélancolique. L’esprit des anciens vacille et suinte par tous les pores nostalgiques de "Ognie Twe Kosy" (= les feux de la faux), et les titres sont empreints de ces sentiments poignants. La voix puissante et caractéristique de Razor – suprêmement slave dans l’âme et la tessiture – magnifie ces émotions tout du long de l’album. L’amertume et la contestation paraissent tournoyer au-dessus des paroles et le souhait de les sublimer semble plus fort encore. Si "Ognie Twe Kosy" démarre avec deux titres dont les architectures restent assez semblables, avec leurs nappes de claviers en toile de fond, des riffs de guitare assez riches ainsi que des rythmes plutôt centrés autour de mid-tempo, l’album s’envole lorsqu’apparaît "Dzwonnica Glucha"… Intensément triste et mélodique à la fois, ce titre nous fait fouler la campagne polonaise et sentir l’histoire de la terre aux premières lueurs du jour, nous donnant accès à sa mémoire invisible. Seule elle sait. Elle détient le passé et sait le raconter dans ses plus infimes détails. Razor nous le transmet si bien. Écoutez-donc ce sublime titre chers lecteurs, écoutez-le…

Tout comme pour "Dzwonnica Glucha", prenez une autre inspiration et retenez votre souffle pour laisser entrer "Niebyli" dans votre cœur. Avec une autre forme de délicatesse, faite de passages acoustiques et de claviers discrets, ce titre charrie les mêmes tempêtes mémorielles mais monte le ton. Le duo talentueux Mir/Razor fait des merveilles aussi bien dans les parties agressives que celles plus mélancoliformes et densément atmosphériques. Avec une douceur parfois juste incroyable, quasi soyeuse (je pense au passage aux alentours des trois minutes… sur le sublime titre "Klucznik"), HRTKOS nous suspend en l’air, l’espace d’instants, auréolé ou nimbé d’une lumière aurorale – à l’instar de celle de la pochette – et nous laisse prendre la mesure des émotions qui remontent. Ces incroyables moments ne sont pas à la marge, certains titres sus-cités les concentrent, et que dire de ce final suprême qu’est "Z Podniebnych Mogil" qui est un condensé très symbolique de tout ce qu’a pu proposer "Ognie Twe Kosy". Laissez-vous flotter dans ces volutes et son brouillard de rase campagne.

Je savais qu’en découvrant HRTKOS, au regard de son line-up, j’allais oublier le temps et que cette chronique ne serait qu’une épreuve charnelle entre cet album et moi-même comme un emportement émerveillé. Je n’avais pas tort, "Ognie Twe Kosy", à l’image des chants de la grue cendrée qui émaillent notamment le dernier titre et termine les dernières secondes de l’album, est un album qui nous fait migrer et nous emmène en altitude circonvoluer et tournoyer encore et encore hors du temps et de ce que nous sommes intrinsèquement parlant. Nous pouvons nous délaisser de notre peau humaine et nous habiller du vent et des courants ascendants pour observer ce que nous avons laissé sur Terre, les larmes dans les yeux.