Il y a des titres, des albums et des groupes qui bravent avec vous les tempêtes, mais aussi promulguent les joies. Ils sont cette main toujours tendue et réconfortante qui soutient, apaise et libère. Ceux-là vous accompagnent telles des lanternes intimes, des phares perçant les orages et les bruines et traversent ensemble votre trajectoire, votre trace en restant les plus fidèles des amis. Le grand Friedrich nous disait que "la vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil", et nous ne pouvons que nous soumettre à cette exactitude.

Mais la musique est aussi la célébration de l’Histoire et des héritages – qui plus est dans le Black Metal – où toute une génération avide de se reconnecter aux sources de leurs origines ont cherché à traduire le langage des anciens, à retrouver leurs empreintes sur ce même sol jadis foulé. Et c’est là que GRIFT entre en scène sous un clair-obscur qui lui sied à merveille. Erik Gärdefors est cet homme pétri de tourments qui cherche dans le propre exil de sa pensée à communier avec les fondements de sa nature. "Budet" est déjà son troisième album mais il nous fait à nouveau emprunter, comme l’avait fait admirablement le précédent "Arvet", des sentes sauvages au fond d’un de ses territoires splendides du Götaland.

Teintant son Black Metal de touches Folk, avec le concours d’instruments traditionnels, Erik nous absorbe et nous met en contact avec les éléments de la terre suédoise. Ainsi, habilement, nous sentons sa propre intimité nous gagner sous les mélodies quasi-célestes et les prises de son de field recording de titres tels que "Väckelsebygd" avant que ce notamment celui-ci ne se déchire dans quelques larsens et sous les lamentations vociférantes de Erik. Viendra à vous alors, la pièce maîtresse et splendide qu’est "Vita Arkiv". Avec sa mélodicité typique et son jeu singulier, Erik arrive à nous faire saisir la grâce de son cheminement et de son projet qu’est GRIFT. S’il fallait choisir une poignée de titres de GRIFT et les emmener au firmament, nul doute que "Vita Arkiv" en fait partie. Son riffing délicat, les sanglots du nyckelharpa (la vièle traditionnelle suédoise), et la sensibilité du scream d’Erik nous saisissent et nous subjuguent.

Nous percevons nettement que nous continuons cette marche sur cette sente perdue, lorsqu’au détour d’un de ces chemins, sous un ciel grisâtre, nous entendons la parade nuptiale des grues cendrées délivrées de leur migration dans les premières secondes de "Oraklet I Kullabo". Et ce titre qui conclut "Budet" est nuancé d’une forme de Neofolk captivante. À nouveau, nous ressentons cette intimité prégnante de Erik et les messages qu’il nous adresse. Le Black Metal n’est jamais trop loin même s’il est dispensé par petites touches dans l’architecture des titres qui reste portée autour d’éléments Folk saillants, le tout enveloppé dans des bulles atmosphériques mélancoliques et cénesthésiques.

Je ne tarirai pas d’éloges pour l’œuvre d’Erik. Chacune de ses sorties est un petit bonheur d’écoutes en soi. Au regard des nombreux EP courts purement Folk "Samhain Celebration" (2016), "Vilsna Andars Boning" (2018), "Vilsna Andars Utmark" (2022), et du dernier album en date "Dolt Land" (2023), nous pouvons nous demander si "Budet" restera le dernier album Black Metal d’Erik. Quoiqu’il en soit, je vous enjoins et vous encourage, si ce n’est pas déjà fait, à vous délecter de "Arvet" et de "Budet" à volonté sans oublier "Syner" – le tout premier album (2015) ; mais c’est une autre histoire et une autre chronique à venir.