Sensation Meloblack tendance Viking de ces quatre dernières années, KVAEN nous revient en 2024 avec un troisième album studio. Signe que le projet solo de Jacob Björnfot s’inscrit dans une régularité métronomique et une continuité certaine, Sebastian Ramstedt de NECROPHOBIC, fer de lance du Black/Death Mélo suédois depuis trente ans maintenant, s’invite pour la troisième fois consécutive sur un disque de KVAEN. "Traverse The Nether", fort bonne composition, n’est pas le meilleur titre mais il confirme que cette collaboration s'inscrit dans la durée. Car il y a quelque chose d’immuable dans le Metal de KVAEN. De perpétuel. De l’ordre du légendaire, au sens d’histoire racontée et racontée encore, de génération en génération, pour former un mythe. L’ancien side project devenu prioritaire est encore loin d’être lui-même une légende dans son genre mais il entend bien en écrire les premières pages.

Il n’y a d’ailleurs qu'à contempler ce dragon en furie enflammer la forteresse sur la pochette, et à la comparer avec les artworks des deux précédents longue-durée pour comprendre que Björnfot assume sa constance. Voire une forme de sempiternité. Les symboles sont les mêmes, évidents mais frappants, et nul plus marquant que le feu que l’on retrouve dans le titre et l’artwork. Après l’épée tirée du brasier funéraire sur "The Funeral Pyre" et les flammes du sorcier consumant la forêt sur "The Great Below", KVAEN met à l’honneur le feu le plus destructeur qui soit : celui du dragon, brutal et impitoyable.

Le morceau-titre, qui ouvre l’album, ne laisse pas davantage de doute quant aux intentions belliqueuses du monstre… et de son géniteur ! "The Formless Fires", la compo, rentre dans le lard de l’auditeur dès les premières mesures et si son tempo ralentit en son cœur, c'est pour installer une atmosphère autrement plus hostile que celle qui régnait sur l’album précédent, et plus encore que sur le premier. Meurtrier, "Basilisk" est dans la même veine : musclé, mélodique et agressif à souhait. Serait-ce aussi l’aspect plus massif et propre de la production qui donne cette impression de violence supplémentaire ? Peut-être. Reste que si KVAEN conserve une part de Heavy dans son Meloblack, ce n’est pas elle qui prend le dessus. Du moins, pour l’instant…

Car le reste de l’ouvrage, lui, laisse davantage cours à ces influences Heavy qui avait permis à KVAEN de se démarquer. Mais pas toujours pour le mieux. Bien vite, "Tornets Sång" vient le confirmer. S’il offre de beaux leads de guitare garnis de reverb, il reste éloigné des meilleurs morceaux Heavy Black de KVAEN. Tout comme "The Ancient Gods", assez emprunté et sans riff intéressant auquel s’accrocher. Dommage que ce troisième opus studio présente un ventre mou si tôt dans la tracklist, car une fois "Basilisk" lâché, le disque trouve une vitesse de croisière fort plaisante. Pinacle de l'ouvrage, "De Dödas Sång" rappelle pourquoi Jacob Björnfot avait su séduire dès son premier méfait, il y a quatre ans.

Ici, toute sa science du riff et de l’alternance entre bourrasques Meloblack et ralentissements bien Heavy, parsemés de soli de guitare accrocheurs, apparaît au grand jour. KVAEN démontre sur "De Dödas Sång" qu’il est un talentueux barde des temps modernes, particulièrement sensible au rythme de ce qu’il nous narre en musique. Le superbe "The Perpetual Darkness" ne fait que confirmer combien Björnfot mérite son statut de nouvelle vedette du Meloblack à la suédoise. Sa musique est épique, tragique et véritablement prenante lorsqu’elle est aussi bien composée et interprétée. "The Wings Of Death" clôt cette troisième offrande en beauté et sans se départir de ses atours Heavy.

Quel dommage que l’ensemble de l’album n’ait pas été du même tonneau que ces quatre dernières compositions. Sur un vinyle, cette face B a de quoi faire pâlir de jalousie la face A, tant elle assemble magistralement les ingrédients de la recette à succès de KVAEN. Si bien que ladite face A ressemble à un simple brouillon. Or, nul passage des deux premiers albums du projet de Jacob Björnfot ne laissait l’impression d’être un brouillon du reste. Ce qui fait qu’ils conservent une longueur d’avance par rapport à "The Formless Fires" en termes de qualité globale. De là à dire que la dynamique ascendante de la carrière de KVAEN en sera impactée, en revanche, il y a un pas que je ne franchirai pas. Car bon nombre d’artistes seraient heureux de compter “The Formless Fires” pour troisième album.