"Bury Me In My Boots" est le parfait manifeste du second album enchaîné trop rapidement, sans doute issu de morceaux non retenus lors des sessions du génialissime (et je pèse mes mots) "Tennessee Mojo", l’une des plus belles pièces de Southern qu’il m’ait été donné d’écouter au XXIème siècle. Membres de la Sainte-trinité du renouveau du genre, en compagnie de BLACKBERRY SMOKE et de WHISKEY MYERS, The CADILLAC THREE traine sa bosse depuis 2010, mené par une bande de potes de lycée qui n’avaient d’autres envie que de jouer ensemble touteuh-la-musiqueuh-qu’ils-aiment. Jaren (chant, guitare), Kelby (basse, chœurs, lapsteel) et Neil (batterie) se sont rapidement forgé un succès d’estime au pays de l’oncle Sam, après avoir beaucoup écrit pour les autres.

"Tennesse Mojo" m’avait donc mis une grosse claque ! J’aurais dû lui coller un 5/5 d’ailleurs, mais ma main avait tremblé au moment d’arrondir mon 4,5/5. Seules la durée un brin excessive et la présence de quelques pistes dispensables, quoi que tout à fait écoutables, m’avaient retenu. Deux ans plus tard, le gang de Nashville revient déjà avec cet essai sophomore, qui possède les mêmes défauts que son prédécesseur, sans nécessairement faire preuve de la même saveur malheureusement.

Trop long une fois encore (quatorze pistes), ce deuxième LP contient de trop nombreux fillers, écrits à la va-vite pour un résultat toujours acceptable, mais loin des standards de qualité auxquels nous avions été habitués. Un "Buzzin’" inoffensif, un "Ship Faced" fadasse, un "Hot Damn" inutile, un "This Accent" Country-Pop peu inspiré donnant un avant-goût de la direction artistique que le groupe prendra par la suite (avec plus de réussite) : autant de titres dispensables qui auraient dû être conservées de par devers-eux. Le charme est de fait rompu de manière impromptue, malgré toute la qualité du trio.

Car objectivement, Jaren et sa bande possèdent ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence. Une musicalité hors normes, innée et culturelle, une capacité à restituer des émotions à fleur de peau, entre nonchalance et mélancolie, un talent de dingue sur leurs instruments (Kelby Ray est un O.V.N.I.), et une voix consciencieusement massée comme un bœuf de Kobé à la bière et à la weed à outrance. Pour avoir eu la chance de les voir deux fois en concert à Paris, quand ils daignaient tourner encore dans nos vertes contrées, je peux vous assurer que le talent que vous écoutez sur disque est absolument magnifié dans des conditions live, la marque des grands.

J’ai d’ailleurs été un chouya malhonnête dans le track-dropping quelques lignes plus haut. Le privilège du chroniqueur, sans doute. Car le reste du skeud envoie quand même de la buchette, en mode chemise à carreaux. Sachant se montrer lourds ("Bury Me In My Boots", soit "enterre-moi avec mes santiags"), dansants et groovy ("Slide"), sensibles ("Drunk Like You"), The CADILLAC THREE balaient un spectre de sentiments humains et ricains, avec une sincérité naturelle, celle qui pue l’authenticité à mille miles à la ronde. Prenez cette dernière chanson, si symptomatique du genre et en même temps (comme dirait Manu) tellement touchante : "Nothing gets me drunk like you, even whiskey can't do what you do when you kiss me that way, that black label lipstick, ninety proof hits quick top shelf tangled in my veins, it's dangerous, I want to drink you on up, can't get enough, keep filling up my cup, nothing gets me drunk like you, nothing gets me drunk like you, yeah”. L’âme du Rock Sudiste résumée en quelques mots, indubitablement.

Mais "Graffiti", "Peace Love & Dixie", "Soundtrack To A Six Pack" qui porte si bien son blase, ou plus encore les bombes "White Lightning" ou "The South", déjà présents sur "Tennessee Mojo", permettent de venir redorer l’impression de déception initiale, ressentie à la première écoute. Le timbre de Jaren vient habiter des compositions sincères, dans la plus pure tradition d’un courant qui gagnerait à être plus respecté de ce côté-ci de l’Atlantique. Remarquablement équilibré entre Rock et Country, avec des relents Folk ou Pop à l’occasion, The CADDILAC THREE sent l’Amérique à plein nez, celle que l’on déteste aimer, folle de ses contradictions, de ses abus et sa désarmante (…) simplicité.

"Bury Me In My Boots" est un bon cru pour la formation du Tennessee, le dernier aussi NIME-compatible sans doute. Il souffre simplement de la comparaison avec le grand frère en évoluant sur le même créneau. Mais si l’on se donne la peine de le considérer en dehors de ce contexte, pour ce qu’il est, il regorge néanmoins de pépites sudistes qui sauront régaler les amateurs du genre.

Note réelle : 3,5/5.