Quoi de mieux qu’un petit coup de Thrash bien vénère et frappadingue derrière la nuque pour se sortir de sa torpeur estivale, je vous le demande, chers lecteurs ? Et puis, comme chez NIME, on ne se fout pas vraiment de votre gueule, nous vous avons réservé une pièce de choix afin d’entamer le chemin de croix de la rentrée : ni plus ni moins que le premier et dernier album de MR BUNGLE, sans pour autant que "The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo" ne soit ni un one-off – ce qui serait trop simple – ni une démo non plus. Mais quelle est donc cette sorcellerie ? Aurais-je pris un coup de soleil sur mon crâne dégarni ? Abus de rosé à cinq euros ? Les deux ? Que nenni, mes amis, trêve de suspense, l’explication s’avère aussi triviale que l’énoncé se montre tordu.

L’opus est en fait un ré-engistrement de la première démo de la formation menée depuis ses débuts par le génial Mike Patton (la liste de ses projets est trop longue pour être citée ici, mais mentionnons le plus connu d’entre eux : FAITH NO MORE), ainsi que Trey Spruance et Trevor Dunn (acolyte de longue date du chanteur avec qui il officie également au sein de TOMAHAWK et FANTÔMAS). Cette joyeuse bande décide donc, vingt ans après son dernier méfait en date (le très surprenant "California") et trente-quatre ans après ladite démo, aujourd’hui introuvable bien évidemment, de se recoller en studio afin de lui donner un coup de polish et de l’offrir aux fans éplorés d’avoir perdu de vue le groupe depuis si longtemps. Et comme MR BUNGLE ne fait jamais rien à moitié, loin de là, le trio s’est dit : « tiens, si on invitait Dave Lombardo (ex-SLAYER, mais aussi DEAD CROSS et FANTÔMAS avec Patton) et Scott Ian (ANTHRAX) tant qu’à faire, l’une des meilleures mains droites de la planète Metal » ?

Bref, les cinglés ont mis les petits plats dans les grands, pour une formation originellement underground qui aura permis à son leader de se faire remarquer par FAITH NO MORE et d’avantageusement remplacer Chuck Mosley derrière le micro du gang de Frisco. Tout ça, c’est bien beau, mais à quoi s’attendre à l’écoute de la galette ? De manière très étonnante (le contraire fut surprenant), à du bon gros Thrash « quasiment » à l’ancienne. Riffs méchants plaqués à 300 km/h, frappes au cordeau (et au marteau), assurées par la maison Lombardo en mode épileptique décontracté. MR BUNGLE aura donc réussi à nous sortir quatre disques totalement différents les uns des autres : un éponyme barré, instinctif, touchant au superbe, un second très (trop ?) expérimental, un troisième en mode BEACH BOYS sous acides, et un pur essai Thrash, moins frappé que ce que l’on aurait pu attendre, mais ma foi assez succulent, je dois bien l’admettre.

Les compositions datant de 1986 avant d’être récemment dépoussiérées, elles sont finalement plutôt dans l’ère dantan, quand le courant fleurissait de toutes parts sur la côte ouest des États-Unis, aux côtés du Big 4 notamment. Nombre de groupes émergeaient alors et il est incontestable que Patton et sa clique faisaient partie de ceux qui ont assidument poncé SLAYER ou MEGADETH. Mais l’exercice ne serait pas drôle s’il se contentait de reprendre à son compte un genre convenu. MR BUNGLE parvient à y adjoindre sa touche décalée, que ce soit à travers les arrangements, la structure des morceaux, ou le chant de ce grand dégénéré devant l’éternel (sans berger, car je vous le dis, le skeud ne manque de rien). Placer la Cucaracha au milieu d’un "Hypocrites/Habla Espanol O Muere", avant d’envoyer une purée de tous les diables, il fallait y penser et l’oser quand même !

Cette touche maîtrisée de folie représente le facteur X d’un album qui, privé de cela, resterait jouissif malgré tout. Le riffing est vraiment très bon et varié, et c’est un plaisir pour moi d’entendre Scott Ian se démener sans avoir à me fader la voix insupportable de Belladonna (rendez-moi John Bush, bordel !). Que le gars est fort quand même… Les variations apportées à son jeu, soutenues par la section rythmique qui sait user du mid-tempo à bon escient, c’est le carton assuré ("Bungle Grind") à chaque piste. Quant à Patton, il fait… du Patton. Pas de mode crooner sur ce coup-ci, mais plutôt une palette proche de celle qu’il nous offre avec DEAD CROSS… La consanguinité a parfois du bon, comme on dit dans l’Chnord.

Incroyablement consistant, "The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo" s’écoute et se réécoute d’une traite, et on a même le droit de relancer le skeud au début lorsque "Sudden Death" s’achève. Si parfois consistance rime avec neurasthéniance (sic), ce n’est point le cas ici, tant l’opus regorge de pépites… Outre les tracks déjà évoquées, citons au débotté l’enragée "Methematics", "Anarchy Up Your Anus" (oui, l’ami Michael Allan a toujours éprouvé un petit faible pour le caca, qui sommes-nous pour juger ?) qui donne le ton de la suite, ou encore la presque calme, mais ô combien efficace "Eracist" aux touches Hardcore (mais avec supplément soli, sivouplé). Inutile de vous préciser que l’exécution de la chose est proche de la perfection, à l’image de sa production d’une précision démoniaque.

C’est donc un 4,5, comme vous l’aurez compris. Pas un chef d’œuvre, mais franchement pas loin. Et l’un des meilleurs défouloirs qu’il m’ait été donné d’entendre ces dernières années. Cheers et bon courage pour la rentrée !