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BLACKENED DEATH METAL  |  STUDIO

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- Style : Kanonenfieber

1914 - The Blind Leading The Blind (2018)
Par DARK BEAGLE le 4 Septembre 2024          Consultée 1474 fois

Quand j’étais gamin, comme de nombreux enfants j’aimais bien jouer aux petits soldats. Nous creusions des tranchées dans le sable, nous placions nos figurines en plastique et nous lancions des petits cailloux. Si l’une d’elle était touchée et tombait… pan ! t’es mort. Un petit pavé et nous pouvions en avoir plusieurs d’un coup. Le premier qui n’avait plus de militaire debout avait perdu, c’était aussi simple que cela. Puis un jour mon père, qui a le devoir de Mémoire rivé à sa conscience alors que personne de la famille n’avait participé à la Grande Guerre, nous avait amené au Hartmannswillerkoft puisque nous n’habitions pas loin de là. Les poilus avaient surnommé cette colline le Vieil Armand et entre 1914 et 1916, trente mille hommes y laissèrent la vie, français comme allemands. La solennité de l’endroit, ces alignements de croix à n’en plus finir, ça avait provoqué un déclic chez moi, une compréhension de la boucherie que cela avait été, de la brutalité grossière de cet événement. Après cela, jouer aux petits soldats n’avait plus la même saveur, mais me renseigner plus en avant sur les conflits qui ont ébranlé le monde commençait à m’obséder, notamment les deux Guerres Mondiales. 1914, lui, se consacre logiquement à la première.

Quand j’écoute les Ukrainiens, j’imagine à quoi a pu ressembler le conflit, dans toute son horreur (et non pas sa splendeur), chose qui ne m’arrive pas lorsque j’écoute SABATON par exemple. Avec BOLT THROWER (référence que je ne sors pas par hasard), 1914 est l’un des groupes qui rend la guerre en musique crédible, ne serait-ce que par leur brutalité et leur façon de présenter les événements. Chez 1914, cela se traduit par des histoires souvent narrées à la première personne et qui vont prendre place dans n’importe quel camp et voyager sur divers champs de bataille. Et plus c’est sanglant, mieux cela semble être pour le groupe qui ici reprend les affaires là où il les avait laissé avec "Eschatology Of War", en affinant légèrement son approche. Cela ne veut pas dire que la formation se radoucit, bien au contraire, mais elle va se trouver totalement sur "The Blind Leading The Blind", sa formule va s’avérer plus stable, plus monstrueuse également. Moins de versatilité donc de la part des Ukrainiens, mais l’aspect Blackened Death Metal s’en retrouve renforcé.

Si deux soldats sont tombés sur le champ d’honneur depuis le premier opus, deux autres sont venus les remplacer et il s’agit peut-être là de la clé de la totale réussite de ce disque. 1914 sonne de façon encore plus précise, les samples sont toujours présents, mais ils sont utilisés de façon un peu plus subtile, ils viennent parfois nous mettre à mal avec peu de choses en définitive, comme sur "Hanging On The Barbed Wire", qui ressemble à une comptine macabre et ironique (en réalité, une chanson militaire britannique), qui vient faire une pause méritée en milieu de parcours. Comme je vous le disais sur "Eschatology Of War", la formation a également la particularité d’ouvrir et de fermer ses albums par de vieilles chansons de l’époque, militaires ou détournées par les hommes au front. C’est Helen Clark, artiste relativement connue dans les années 10 et 20 (de 1900, hein) qui nous indique le chemin des tranchées avant que nous soyons pris dans la tourmente avec "Arrival. The Meuse-Argonne".

Rusty Potoplacht (je vous fais grâce de son grade et de sa garnison) pilonne sec derrière ses fûts. C’est simple, il nous donne l’impression d’être sous une pluie d’obus, ses comparses s’arrangeant pour amplifier les déflagrations. Les blast beats sont nombreux, le martèlement est écrasant, mais 1914 sait encore s’envelopper dans des atours plus Doomesques pour là encore créer de l’émotion, comme lorsqu’ils nous évoquent la bataille de Passchendaele, rebaptisée pour l’occasion "Passchenhell", qui nous narre la mort, la boue et les rats. On appréciera également "The Hundred Days Offensive" (de la dernière opération militaire d’envergure des Alliés qui allait conduire à l’Armistice ; d’ailleurs, détail qui a son importance, ce disque est sorti un 11 novembre), qui prend des couleurs plus épiques et qui va s’étendre sur une dizaine de minutes, avec une longue introduction où les samples sont très présents. Cela joue fort, cela joue bien, cela n’oublie pas l’émotion et nous pouvons nous arrêter sur ce chant militaire ("Pack Up Your Troubles In Your Old Kit-Bag", mais pas la version d’Helen Clark, que nous avions déjà évoquée plus haut).

Mais 1914, ce sont également des moments bien moins suaves, où la brutalité nous ramène à cette terrible réalité. "C’est Mon Dernier Pigeon" (le titre de la chanson fait référence à un officier qui communiquait avec son état major par pigeon, alors qu'il était assailli et cette phrase figure sur son dernier message), par exemple, vit un véritable pilonnage et étrangement, cela vient renforcer l’aspect émotionnel que vient dégager l’histoire à la base de cette chanson. Cela fonctionne à merveille, la violence est utilisée à très bon escient par le groupe qui parvient à construire des morceaux où chaque ralentissement peut déboucher sur une nouvelle déflagration. "A7V Mephisto" est une autre belle démonstration de force, qui vous prend littéralement aux tripes, "Stroβtrupp" se veut également dans cette lignée inflexible, où le groupe se veut impérial. Ici, il est difficile de le prendre en défaut, ni son interprétation, ni son écriture rendue dense par les recherches (et les trouvailles) effectuées pour coller au mieux au sujet. Encore une fois, les Ukrainiens ne font pas un éloge de la guerre, ils la racontent de façon crue, sordide par moments, où l’héroïsme peut être confondu avec une certaine forme de désespoir. Comme les soldats qui ont vécu ce conflit, nous ne ressortons pas indemne du traitement qu’en fait 1914.

En revanche, ces petits malins ont réussi à caser une reprise de The EXPLOITED au milieu des cris, du sang et des tripes fumantes. "Beat The Bastards" a été parfaitement assimilée et se fond tranquillement dans le décor, sans jurer. Globalement, elle ne sert pas à grand-chose, il s’agit juste d’un vaste défouloir pour le groupe. Et pour rester du côté des Anglais, notons également la présence de Dave Ingram (BENEDICTION, BOLT THROWER) sur "Passchenhell", qui vient accentuer les propos de Ditmar Kumar de bien belle façon. "The Blind Leading The Blind" est un album sale et crasseux, le résultat d’un groupe qui mouille la chemise pour sonner au plus juste. Je vous disais que ce disque est sorti un 11 novembre. 2018 pour être précis, afin de commémorer les cent ans de l’Armistice, mais la plupart de ceux qui ont écouté ce disque ont jeté une oreille sur la version de Napalm Records sortie six mois plus tard, l’original étant une autoproduction.

Chaque fois que j’écoute ce groupe, je repense à l’Hartmannswillerkopf et au gamin que j’étais qui se sentait subitement merdeux et mal à déambuler au milieu de toutes ces tombes, à réaliser le nombre de corps qui l’entouraient. Aujourd’hui, je pense qu’ils étaient tous plus jeunes que moi et que les plus chanceux sont morts rapidement. 1914 me ramène brutalement à ces pensées et il me met à mal dans sa globalité. La formation se vit également à travers ses textes, c’est un tout, où le putride se marie à la violence, où une certaine forme de beauté nait de tout cela, des émotions que ça brasse. 1914, c’est âcre, mais cela devient vite passionnant pour ceux qui se sont intéressés de près ou de loin à la Grande Guerre ou pour ceux qui pensent que la violence est la plus à même de raconter la violence. "The Blind Leading The Blind" est un quasi sans-faute, qui surclasse "Eschatology Of War". De peu, mais il le surclasse.

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   KOL

 
   (2 chroniques)



- 2.division, Infanterie-regiment Nr.147, (chant)
- 5.division, Ulanen-regiment Nr.3, Sergea (guitare)
- 37.division, Feldartillerie-regiment Nr. (guitare)
- 9.division, Grenadier-regiment Nr.7, Unt (basse)
- 33.div., 7.thueringisches Inf.-reg't. Nr (batterie)
- Dave Ingram (chant - invité)


1. War In
2. Arrival. The Meuse-argonne
3. A7v Mephisto
4. High Wood. 75 Acres Of Hell
5. Beat The Bastards
6. Hanging In The Barbed Wire
7. Passchenhell
8. C'est Mon Dernier Pigeon
9. Stoßtrupp
10. The Hundred Days Offensive
11. War Out



             



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