Après le sublime "Artefacts" – et je pèse mes mots – qui tutoyait des sphères asservies par les muses de la Beauté, entraînant et enivrant à foison tel un ballet grâcieux et entêtant, BELORE nous revient en ce début d’année avec ce nouvel opus "Eastern Tales". Si l’album précédent se mouvait délicatement dans un Black Metal Atmosphérique gracile teinté d’éléments épiques que n’aurait pas manqué d’adouber SUMMONING d’un hochement de tête consécrateur, ce nouvel album continue cette épopée aventureuse traversant des territoires embrumés. Dissipant les intempéries et les tourments, BELORE s’efforce de prolonger le voyage.

D’emblée nous retrouvons la patte fidèle et le mètre étalon qui marque l’identité de BELORE : des riffs convaincants et légèrement tempétueux accompagnés de claviers graciles ainsi que des envolées de leads bien inspirées. Prenons par exemple le titre "Storm Of An Ancient Age" et ces quasi dix minutes débordantes de mélodies enchanteresses portées par des claviers trépignants d’émotions. Cette combinaison fonctionne parfaitement pour faire le lit du chant clair de Aleevok, l’homme-orchestre et à tout faire de BELORE, et nous embrigader la conscience à percevoir ce voyage marin, puis cette randonnée épique et valeureuse à la découverte d’une terre inconnue après un accostage périlleux. BELORE sait conter, BELORE sait embarquer la rêverie et les émotions associées, et sur ce territoire précis BELORE est imparable. Lorsque Allevok prend la parole au début de "The Hermit Awakens", accompagné de quelques chants de passereaux étourdis, l’on s’imagine sans peine traverser un jeu de rôle Warcraftien en passant instantanément de l’autre côté du miroir, et prendre part à cette aventure en étant subjugué par les perspectives de voyage à venir.

La production s’est bonifiée sur ce troisième album, même si elle était déjà plus qu’honorable sur "Artefacts". Renforçant la limpidité des notes cristallines et accroissant la sensation de transparence et de détail, le rendu appréciable conjure tout désagrément qui troublerait ce voyage. BELORE s’est resté chevaleresque et parfaitement engagé à miroiter avec notre besoin rassurant de plonger sereinement dans une épopée d’écoute. Point de blasts effrénés, ni de lugubrité des ambiances, "Eastern Tales" est un album de la haute mer, de celle qui force le vent à remplir intensément les voiles pour redoubler la vitesse des vaisseaux. Par le truchement de la flûte et de chœurs embellis, "Eastern Tales" garde le cap vers sa destinée, celle d’un album qui aime se décanter au gré des écoutes, du temps et du vent, et au fur et à mesure que l’un et l’autre s’écoule et se renforce. J’apporterai une petite nuance sur l’ensemble de cet album que j’apprécie mais qui m’emporte un peu moins que le bel "Artefacts". Rien des compositions ne me laisse sous-entendre cela mais ce détail prévaut davantage pour l’ensemble de l’album dans son grand ensemble. "Artefacts" a davantage de superbe que "Eastern Tales" selon moi. Peut-être est-ce mon goût immodéré pour cette relation équivoque que pourrait entretenir BELORE avec SUMMONING et qui prime davantage sur le second album que sur celui-ci.

BELORE s’éloigne davantage avec "Eastern Tales" de toutes autres influences musicales que celles que nombre de chroniqueurs pourraient s’amuser à comparer plus ou moins avec exactitude. Des titres sont imparables de beauté et d’autres engagent et inclinent la rêverie à s’emparer totalement de l’écoute, je pense notamment aux deux derniers de l’album. Au final, difficile de lui attribuer la même médaille que "Artefacts", mais difficile aussi de faire preuve d’une sévérité qui ne saurait qu'être caricaturale et bien mal à propos. "Eastern Tales" dévoile tout le potentiel d’Aleevok de creuser un sillon original, convaincant et palpitant. Son univers musical est singulier, gageons que la suite restera passionnante et encore de toute beauté.

Note réelle : 3,5/5.