Le temps presse mes amis, et il est bien temps de continuer la dissection de la discographie purulente de HORNA et de ne pas oublier aussi le dernier-né aux dernières lueurs estivales de 2024. Les Finlandais, emmenés par l’inarrêtable Shatraug, sont intemporellement toujours aussi belliqueux et infréquentables pour notre plus grand plaisir. Manquerait plus que cela d’ailleurs. Difficile de ne pas approuver la constance du pedigree de HORNA : fureur maniaque, agressivité mordante et esprits dérangeants. "Nyx (Hymnejä Yölle)" est déjà le douzième album si l’on tait aussi la dizaine d’EPs, et les multiples splits concoctés par les Finlandais.

Shatraug ne ménage pas sa peine pour continuer son processus inétanchable de création. Le sieur fait partie des tous premiers de sa génération à ne jamais avoir fait plier sa verve et à assumer l’ampleur de son parcours musical au sein de multiples entités et non des moindres (BEHEXEN, SARGEIST, VORDR, DOEDSVANGR, MORTUALIA…). En rejetant tous compromis, HORNA emmené par Shatraug ont toujours été sur une ligne dure en refusant de se plier aux attentes du public et au doux chant des sirènes de l’industrie musicale. Refusant même à plusieurs reprises des propositions de labels plus importants, HORNA a toujours voulu garder un contrôle total sur ses projets et ses ambitions. Gardiens d’une identité pure et d’un son brut, la bande à Shatraug méprise les errements du système qui commercialise le Black Metal en en faisant une mode, une curiosité et un univers accessible plus ou moins désacralisé par ces nouveaux touristes.

Shatraug est un être fascinant, tout à la fois mystérieux, perfectionniste et intransigeant. Et c’est sans doute cela qui en dérange beaucoup. Dénonçant tous ceux qui depuis un certain temps édulcorent le son, utilisent le visuel du Black Metal à des fins bien éloignées des principes originels du style (notamment pour toucher un public plus large), Shatraug est quant à lui resté d’une intégrité sans faille. Happé par un besoin continu de composer, et mû par son rapport instinctif au Black Metal et au son « parfaitement imparfait », Shatraug cherche à traduire l’essence même du Black Metal au sein de HORNA en créant son Ambiance. Figure de l’ombre respectée, Shatraug n’a jamais failli à sa mission : celle de nous abreuver d’albums férocement excellents, d’influencer la scène finlandaise et de propager son identité ; quand bien même HORNA a été si important pour la définir et la créer.

Et "Nyx (Hymnejä Yölle)" ne déroge pas à cette règle. Volontiers plus atmosphériques que violents, les titres qui le constituent ont cette dimension immersive et envoûtante qui marquent l’esprit et nous étonnent un peu de la part de ce groupe diabolique. À l’évidence cet album diffère de ces lointains prédécesseurs, même si, concernant les deux derniers albums, "Kasteessa Kirottu" (2018) avait pas mal initié ce mouvement volontiers moins crude et abrupt, et que "Kouleman Kirjo" (2020) l’avait prolongé certes, il est vrai, dans une moindre mesure. Ces hymnes à la Nuit sont pourtant tout aussi imparables, directs et savent parler aux tripes et à nos ombres internes. Le travail vocal de Spellgoth reste toujours de bonne facture et je ne m’étalerai donc pas sur les riffs de Shatraug qui se passent de commentaires.

Si cet album demande plusieurs écoutes et un certain besoin de décantation, il est aisé de vouloir y revenir régulièrement tant les effluves vénéneux, les émanations hantées et l’ambiance générale appellent et dictent notre inconscient. Les "Hymni II" et "Hymni III" ont ma préférence et je fais cet effort le couteau sous la gorge car ce serait mésestimer le grand "Hymni IV" et la belle pièce à la guitare acoustique qu’est "Kuoleva Lupaus". Est-ce bien HORNA que j’entends-là ? Quelle belle surprise… Shagrauth réussi encore et toujours à nous livrer un brûlot qui nous brûlera à nouveau un peu plus les entrailles. Rien à redire donc du côté de HORNA, ça on le savait déjà. Rien à dire aussi du côté de la Finlande qui nous étonne sacrément, nous écarquille les yeux et les oreilles avec sa singularité musicale que l’on hume à pleins poumons instinctivement dès les premières secondes de cet album notamment. La formidable identité de ce pays reste puissante, sauvage, toujours debout, fière et glaciale.

Je concède aisément que je suis un grand amateur de ce type de Black Metal, sans concession, suprêmement authentique et qui régit l’ordre originel de ce style. Mystique, païen, satanique, et grand ordonnateur du chaos, HORNA avec ce nouvel album m’a encore prouvé qu’ils étaient de loin ou font partie des plus intègres des acteurs du Black Metal. Ce sont des maîtres, des sages noirs, des monarques du crépuscule éternellement incandescents.