J’avais cette intuition lorsque j’ai découvert GEISTAZ’IKA d’avoir déniché parmi les ribambelles et les hauts fonds des sorties un groupe de premier rang. Si j’ai pu vous proposer le dernier album en sélection - "Midnatsbøn Ved Djævelens Port" - c’est que peut-être j’ai su percevoir dans ces profondeurs inhospitalières cette offrande qui luisait. Peut-être l’ai-je vu plus que d’autres car je crois bien que secrètement elle me parlait dans un langage inconnu que mon œil pouvait traduire. Et pour retranscrire ce contenu émotionnel, il m’a fallu sortir du total envoûtement qui s’était emparé de moi suite aux écoutes inlassables et continues que cet album m’ordonna.

Sorti de l’emprise de spectres noctulescents qui le hantaient, je décidai de remonter le cours d’une rivière discrète pour entamer un voyage menant à sa source. Lors de cette ascension où maints feux de Saint-Elme apparaissaient, je fis la rencontre d’autres présences invisibles aux sens, mais qui me scrutaient en permanence. Je percevais leur aura délicate s’emparer de mon iris et brouiller les vestiges d’un ciel constellé d’irisations. Parfois la nuit j’entendais leurs soupirs et leurs cris perçants. Les créatures de la nuit les accompagnaient autant que les arbres chuchotaient en frémissant. Cette expérience incroyable me mena - après de longues semaines d’abandon et de marche - jusqu’au bord de ce qui ressemblait à une crevasse où d’autres types de lueurs semblaient se tapir dans l’ombre et l’éclats de reflets nacrés et transparents.

En m’y approchant de plus près, je reconnus l’appel des spectres si cher à "Midnatsbøn Ved Djævelens Port", et je su alors que mon voyage se terminait et était accompli. En m’asseyant près de son bord tranchant, l’invisible me ferma les paupières et m’ordonna à plonger de l’autre-côté. Des hululements s’emparèrent de mes cordes vocales qui se métamorphosaient en syrinx. Peu à peu je senti des ramures et des nervures prendre possession de mes membres. Ainsi "Trolddomssejd I Skovens Dybe Kedel" s’offrit à moi et se répandit sous mon écorce et modifia ma sève. Je dois bien vous concéder que depuis son écoute, je ne suis plus tout à fait moi ni tout à fait l’autre mais peut-être seulement une ramification et un prolongement de GEISTAZ’IKA. Mon cœur est devenu dur et ne reçoit que les rayons mélancoliques d’un soleil noir. Une poésie mystérieuse semble s’éveiller en moi, un langage inconnu se dessine dans mes pensées et il me paraît savoir des secrets cachés. Tout à mesure que je me fige et que je deviens un de ces arbres majestueux, je déracine mon ancienne vie de mon âme, la faisant virevolter près de nuages affamés qui l’absorbent au fur et à mesure que le temps s’égrène.

S’abandonner au sort de la Nature m’aura donc conduit sur le chemin de la grande Vérité, et GEISTAZ’IKA le savait déjà si bien. En entendant la doucereuse et délicate introduction, "O Nat Du Skumle Hex", quelques larmes cherchaient encore à perler sur mon visage mais mes yeux inamovibles ne le permettaient plus. Cependant, je remarquais davantage que cette prime-offrande de GEISTAZ’IKA était tout simplement l’antichambre du très abouti "Midnatsbøn Ved Djævelens Port". Un Black atmosphérique extrêmement envoûté transpirait par tous ses pores et faisait honneur à des paysages sonores délicats empreints d’amertume et d’agressivité. Cette première stèle dans l’œuvre discographique de Geistaz – l’unique âme perceptible et éminente de ce projet danois - marquait néanmoins le pas d’une originalité troublante et perceptible dès les premières notes.

À mesure que je quittais le royaume humain je percevais autrement l’environnement, et, sans le moindre regret ni un quelconque sentiment, je me penchais au plaisir du vent et des embuscades du temps délivré enfin de la conscience.

Note réelle : 3,5/5.