Je suis au Punk ce que Kerry King est au solfège ou ce que Tom Morello est à la virtuosité. Hermétique, dans l’incompréhension, et je l’avoue, sans réelle volonté d’explorer cette contrée inconnue. Mais selon l’adage, il faut bien une exception qui confirme la règle. Bon OK, il y a un twist quand même, je n’ai pas eu l’épiphanie en écoutant totalement par hasard une captation d’un truc d’anar’ hardcore dans la cave d’un bar peu fréquentable.

Pour les grotteux ou ceux au fond de la classe, les Albigeois d’OPIUM DU PEUPLE servent par pelletées un Punk énervé de reprises et de réinterprétations de variétoche française et internationale, sans tomber dans le piège grossier de la parodie ou du pastiche lourdingue. Pourtant de prime abord, ce postulat semble peu crédible à en juger par l’artwork mettant en œuvre le navire amphibie du septet, plus proche de l’utilitaire turbo diesel qui se prend une contre-visite au contrôle technique que d’un glorieux galion centenaire, en proie à un Kraken dans un remake de "Jaws". Allez, haut les cœurs, je vous assure qu’on est loin du "Pipi vs. Caca" d’ULTRA VOMIT.

Disclaimer : S’agissant d’une galette de covers/tributes, un track-by-track s’imposerait, mais je laisserai ce format académique et pompeux à d’autres webzines spécialisés, préférant souligner les qualités intrinsèques du travail abattu… Et afin d’éviter de vous prendre pour des ahuris incapables d’identifier les nombreuses références.

Et pour cause, le triturage de classiques connus de tous bénéficie d’un traitement honorifique et d’une revisite fignolée et respectueuse des originaux, bien loin d’un simple blasting décérébré sous couvert d’une bouffonnerie bon enfant. Certains se voient ainsi "punkisés", à l'instar de "Santiano" ou "Louxor J’Adore", hymnes intemporels et déjà gorgés de punch dans leurs versions originales respectives, et d'autres subissent un mashup aboutissant à une hybridation entre Metal et chant de variété du plus bel effet. Et c'est là où la patte d’OPIUM se dessine et fait muter cette galette d'un simple album de reprises rigolotes en recueil de réinventions qui ne peuvent laisser de marbre. Les associations, improbables au demeurant, trouvent une logique et une imbrication ingénieuse qui fonctionne et ne se contente pas de superposer linéairement des éléments aux antipodes les uns des autres par principe afin de les faire dissoner. À titre d'exemple, le riff de "La Mauvaise Réputation" de BRASSENS reprend "Whiplash" des MET’S avec le solo de "The Four Horsemen", ou encore plus brillant : "La Corrida" et ses galops à la IRON MAIDEN, avec l’intro de "Fear Of The Dark", les leads dans la même veine mais collant à l’instrumentation de CABREL, et l’outro en comique de répétition avec une emphase de "Hallowed By Thy Name". Le tout est dans le dosage.

Autre point fort de la testicule noire maudite, les chants des Opiumettes (Joey Délices et Mademoiselle Cœur) ne servent aucunement de simples backings, ces dernières ne chantant pas que les titres interprétés par des artistes féminins (Slobodan chantant d’ailleurs "Mon Amie La Rose"-slash-"Come Out And Play"), remplaçant ainsi Balavoine sur "Le Chanteur" dans une interprétation opportune. Et en plus d’être naturellement survoltées sur scène, il faut avouer que la chansonnette est poussée avec verve et justesse ! La synergie et la complicité entre le frontman bourru et les chants clairs fonctionne indiscutablement et donne une crédibilité plus qu’appréciable à un ensemble qui marcherait sans cesse sur des œufs sans ce sérieux dans l'exécution. "Extrême NTM" en est l’illustre exemple, implacable et montant crescendo dans un mashup que même les plus provinciaux d’entre nous entonneront en chœur.

La seule "réelle" déconnade revient à la comptine "Le Loup, La Biche Et Le Chevalier", qui a dû couper l’herbe sous le pied à du PRINCESSES LEYA et consorts, vraisemblablement trop occupés à hésiter entre "Frère Jacques" ou "Ah, Les Crocodiles".

À l’heure où sont rédigées ces lignes, deux titres ne sont pas disponibles sur les plateformes de streaming, à savoir "YMCA" (traduite en français approximatif via Google Trad à la façon d’un CLIGNEMENT-182, prononcer "Igrecque-aime-ses-ah") et "Evil Girl Collection", seconde interprétation de "Rock Collection" de VOULZY, depuis "Punkrockollection" de l’album "Sex, Drugs & Variété", en passant cette fois-ci par BLONDIE, Lee HAZLEWOOD, ou encore LADY GAGA.

Les groupies les plus hardcore d’OPIUM qui sillonnent les routes auront déjà eu un aperçu d’une grosse poignée de ces titres, déjà expérimentés en live au gré des concerts et des festivals, limitant ainsi quelques effets de surprise. Sans basculer non plus - et fort heureusement - dans une compilation ou un best-of insipide, OPIUM DU PEUPLE aura joué les prolongations en 2023 pour pondre un skeud à la fois mastoc et sérieux dans la déconnade. Et je ne demandais pas mieux qu’on me divertisse sans me prendre pour un con ou un demeuré. Et le contrat était déjà rempli dès les premières minutes. Bravo messieurs dames, vous pouvez briguer un poste d’outsider dans le Gros 4.

Note réelle : 4,5/5.

Les plus poignants : "La Corrida", "Le Chanteur"
Le plus efficace : "Mon Amie La Rose"
Pour la déconnade : "Extrême NTM", "YMCA"
Fidèle mais efficace : "Santiano", "La Foule".