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BLACK METAL  |  STUDIO

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2023 1 Black Royal Spiritism - I&#...
 

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RUÏM - Black Royal Spiritism - I​.​ O Sino Da Igreja (2023)
Par PERE FRANSOUA le 5 Février 2024          Consultée 2653 fois

Le Black Metal s’est construit sur un rapport ambivalent et paradoxal, pour ne pas dire bêtement contradictoire, à la spiritualité, envisagée et exploitée dans toutes ses déclinaisons, du réenchantement de Mère Nature aux singeries des rituels des Églises instituées. À la fois violemment anticlérical et pourtant toujours en recherche de religiosité, de transcendance, ne sachant choisir entre Lucifer et Satan.
Dieu est mort, certes, mais ses orphelins perdus continuent de chercher confusément ses restes de magie dans un monde de marchandises, en utilisant tous les moyens techniques mis à leur disposition, électricité, fumigènes, t-shirts imprimés en masse vendus toujours plus chers, et tous les supports numériques que le capitalisme leur offre. WATAIN est sur Insta.
C’est sûr c’est le frisson pour les fans. Qui n’a pas frémi, jeune auditeur, en découvrant ces arts infernaux. C’est comme si des démons s’échappaient du combi CD-radio-cassette, dans des vapeurs de souffre et d’excès de foutre adolescents. Avec le temps on apprend à apprécier tout ce délire avec la belle distance ironico-cool qui permet de s’amuser à se faire peur tout en sachant bien que c’est du cinéma. Pourtant, pour ceux qui écrivent et composent ce genre de musique, qui l’enregistrent, le promeuvent et le défendent années après années devant ses adeptes avides de sensations fortes, cela peut prendre des atours sérieux, terriblement puissants et lourds de conséquences. Qu’on y croit sincèrement ou non, que l’on prenne le théâtre d’ombre plus ou moins au sérieux, on ne joue pas impunément à réveiller les morts et libérer les démons, que l’on suppose qu’ils sortent des Enfers ou de nos cerveaux.

Cela, Rune "Blasphemer" Ericksen, l’a senti plus que quiconque ici-bas.
Ayant repris littéralement la place du mort, il s’est retrouvé à la tête du plus célèbre bazar Black Metal au monde, et ce pendant treize longues années. Malgré tous ces efforts pour faire explorer de nouveaux territoires à son équipée sauvage, il ne pouvait rien contre le désir des adorateurs de vouloir encore et toujours les mêmes invocations, le même catéchisme, "Necrolust" ou "Freezing Moon". Blasphemer devait rejouer chaque soir la musique des morts mythifiés, the past is alive et les vivants plus vraiment, le privilège devenu malédiction et fardeau.

Il lui faudra partir loin, que les ombres s’évaporent sous le soleil puissant de la Lusitanie, sa femme, sa famille AVA INFERI, il lui faudra ferrailler ferme avec les grosses pointures, David Vincent le Texas VLTIMAS, et que le Covid lui donne l’occasion, pour revenir à ses démos et démons. Désenvoûté des yeux mauvais de jadis puis initié aux arts occultes brésiliens, Blasphemer peut enfin retrouver tous ces esprits, libéré-délivré, maître enfin, de lui-même, de son art, de son destin, le passé est passé.

Dans les volutes de fumée de l’Umbanda dansent des arpèges mystérieux, envoûtants mais familiers bientôt rejoints par des cascades de guitares et de double-pédale tandis que des incantations sont maugréées en portugais. D’un coup le feu prend, fait crépiter la nuit, vous entendez les meilleurs riffs supersoniques depuis 1997, et cette batterie qui martèle martialement comme chez THORNS serait-ce celle du grand Hellhammer ? Non, pas besoin, car la France a un incroyable talent, même si le talent est une fiction, ce César Vesvre dit CSR étonne par sa jeunesse et ravit par son exécution impériale. Et d’où sortent ces vocaux versatiles qui vomissent tel un Mortuus de MARDUK ? C’est notre maître de cérémonie qui s’en charge. Lui qui avait dirigé et coaché Maniac à l’époque, s’occupe de tout (sauf de la batterie), et il n’a jamais été aussi bien servi que par lui-même.
Ainsi se passe "The Triumph (Of Night And Fire)", premier extrait mis en exergue de RUÏM, le nouveau projet presque solo de l’ancien guitariste-compositeur de MAYHEM, qui reprend le chemin jamais emprunté entre le déferlement de "Wolf's Lair Abyss" et l’exploration de "Grand Declaration Of War". Et ce n’est pas pour rien que le titre "Fall Of Seraphs" est revisité ici, tout est connecté.

Imaginez donc le responsable de quatre albums de MAYHEM revenir à ses fondamentaux, enrichi d’une expérience en béton et d’un savoir-faire inimitable, retrouvant la fougue et la fraîcheur d’antan, mais en arpentant sa propre voie, utilisant sa propre voix, invoquant des démons rien qu’à lui, vous avez là une potion dont l’envoûtement est immédiat et les effets surpuissants. Il aura fallu tout ce temps, tous ces détours et toutes ces circonstances pour que "Black Royal Spiritism - I - O Sino Da Igreja", publié en 2023, existe, et nous en sommes heureux, loué soit-il, tant il nous met la fièvre pendant des heures.

Dans la chaleur de la nuit le Black Metal s’épanouit, le sévère riffing norvégien enrichi aux vieilles pierres portugaises et gravé en France, mûri, tanné, buriné, se déguste, se dévore et se déchaîne, le feu de la passion à nouveau attisé, l’incendie se propage entre les esprits, dans une fusion incroyable entre l’agressivité folle, les surprises perpétuelles, l’accroche immédiate malgré les structures mutantes et les breaks bienvenus qui aèrent autant qu’ils enrichissent (la ténébreuse oraison tribale et terrifiante, grotte sombre aux milles reflets, qui occupe tout le cœur de "Blood.Sacrifice.Enthronement" avant de remonter irrésistiblement, ou le mur de guitares atmosphériques qui apporte le ralentissement qu’il fallait pour surligner la vélocité bouillonnante de "Evig Dissonans", entre autres exemples).

Outre la qualité des riffs dont les connaisseurs des œuvres de Blasphemer ne pourront que reconnaître sa patte de composition et ses nombreux délices guitaristiques, rythmiques nerveuses, coulées d’arpèges dissonants (dont certains nous rappelleront avec bonheur ceux qui agrémentent AURA NOIR), ponctuations saccadées, on se fera ensorceler par la structure de chaque titre, entre cohésion et rebondissements, le chat noir retombant toujours sur ces pattes, de même que l’on retrouvera un style d’arrangement qui ravissaient déjà en 97, comme cette voix claire emphatique à la Maniac ("The Black House"), pour enfin se rendre compte qu’au-delà de la richesse intrinsèque de chaque morceau, le tout s’organise avec une effroyable harmonie, les enchaînements de déferlantes s’échouant sur le début paisible du faux-calme "Black Royal Spiritism" et l’Ambiant ritualiste "Ao Rio" apportant la profonde respiration nécessaire entre le final explosif (un "O Sino Da Igreja" à l’intensité presque intenable) et la valeur sûre "Fall Of Seraphs" (avec Proscriptor McGovern, le maître d’ABSU, au chant), le choix d’insérer une auto-reprise en plein disque, et non pas en faire un bonus, est éloquent.

Le projet RUÏM prouve par l’exemple que le Black Metal peut encore être un canal d’expression pertinent pour une spiritualité sincère, qu’il est possible de se reconnecter avec les forces vives et bouillantes de sa jeunesse tout en l’enrichissant de sa riche expérience, une maturité explosive, que quand un artiste a les mains libres il peut s’exprimer pleinement, se faire plaisir sans compromis et surtout nous faire plaisir, il suffit de dégoter le complice idéal. Il s’agit donc d’une des plus belles œuvres parues en 2023.

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   PERE FRANSOUA

 
   ISAACRUDER

 
   (2 chroniques)



- Blasphemer (guitares, basse, vocaux)
- Csr (batterie)


1. Blood.sacrifice.enthronement
2. The Triumph (of Night & Fire)
3. The Black House
4. Black Royal Spiritism
5. Evig Dissonans
6. Fall Of Seraphs (mayhem Cover)
7. Ao Rio
8. O Sino Da Igreja



             



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