L’ère celtique fournit un terreau quasi inépuisable pour noircir des pages ou des albums entiers de légendes, ou plus modestement d’histoires souvent méconnues de notre culture générale. En effet, la période s’étend sur plus d’un millénaire avant notre ère, et les héritages culturels s’étalent jusqu’au Moyen-Âge sur des régions plus restreintes, la péninsule britannique pour ne pas la nommer. Et c’est au travers de ces millénaires que les Nancéiens de FENRIR vont nous narrer les aventures et les mythes de la culture celte, à base de namedropping de tout un tas de gens et de bagarres sitôt entendus, sitôt oubliés… au profit d’une musique joviale et entêtante !

Car autant Morrígan, déesse du Massacre, déjà invoquée chez CHILDREN OF BODOM ou CRUACHAN peut parler aux plus studieux d’entre nous (ou aux plus nerds du Seigneur des Anneaux), que Macbeth (un régicide du XIème siècle popularisé par Shakespeare), ou la bataille du pont de Stirling (en Écosse, ayant résulté à la mort de cinq mille bidasses) seront plus abscons pour la plupart d’entre nous. N’y voyez point de critique, on appréciera la démarche de veille historique pour retracer des faits originaux, plutôt que de faire du SABATON et dire que Bismarck c’était un sacré gros bateau ou que Verdun en 1916, c’était quand même pas Ibiza en période estivale. Ça me rappelle un peu MAIDEN à traiter d’événements historiques un peu flous histoire de ne pas palabrer sur n’importe quoi, mais ici avec une réelle volonté de reconstitution historique, et tiens, parlons-en de MAIDEN !

Car sur le plan musical, bien que l’on soit en présence d’un Folk avec les crincrins pur jus, certains titres font flagramment écho à la patte de composition des Britanniques, peut-être fortuitement, les galops en triplets rendant justice aux thématiques abordées. Cependant cette impression revient à plusieurs reprises, notamment sur "The Tale Of Taliesin" (où je me suis vu fredonner "Blood Brothers"), ou encore plus flagramment sur "Lost In The Twilight", sur laquelle il est impossible de faire l’impasse, et le deja-vu permettant de facilement s’approprier le titre.

Le chant d’Elsa Thouvenot, soprano par excellence, colle adéquatement au style et évolue aisément au gré de titres au rythme soutenu, en ne se laissant pas déborder ou dépasser par un duo de guitares qui en veut et sachant se montrer particulièrement démonstratif. La performance de la chanteuse est particulièrement remarquable sur "Fenrir", montant très haut sans faiblir, et surtout sans tomber dans des fulgurances de crécelles assez agaçantes que l’on peut retrouver dans du early-NIGHTWISH ou WITHIN TEMPTATION. Sans être fluet, le chant tout en exhalation est lancinant, et siéra peut-être moins à des titres plus Power comme "Mama Troll", Elsa n’ayant clairement pas la tessiture de ce genre de créature pataude !

Les guitaristes Fabien Kobylarz et Sylvère Jandel, accompagnés par le bassiste Jordan Lavaut forment un trio puissant, évoluant et arguant avec vigueur dans différents styles en poussant jusqu’à des éléments Black sur "Tristan And Iseult". Quelques riffs convenus pourront pointer leur nez par moments, mais de façon totalement pardonnable pour un debut album à l’instar de soli parfois un chouille trop dans la démonstration et se déphasant des ambiances si savamment distillées tout du long de l’album.

Quelques surprises comme "Pavane", reprise de l'Orchésographie d’Arbeau vont voir chanter religieusement (c’est le cas de le dire) les membres du groupe dans un titre dans son plus simple appareil accompagné uniquement d’une guitare sèche ; ou encore l’outro de "Gaya", d’une sensibilité absolument brillante, viendront habiller cette galette au sein de laquelle seront égrenées durant un tour complet de cadran une foultitude d’ambiances différentes. Du rigolo "Prancing Poney", au coup de poing "Morrigane’s Fury", taillé pour du live, il y en aura pour tous les goûts. Reste à savoir si cette hétérogénéité saura convaincre les foules de bout en bout…

Et j’ai envie de vous dire que oui, car cette heure nous transporte, nous berce et nous accompagne avec une grande aisance. Je critique suffisamment les albums monolithiques pour en plus critiquer ceux qui osent se montrer audacieux, ce serait le comble ! Profitez donc du voyage, enfourchez votre Shetland le zob au vent sous votre kilt pour parcourir des vallées bruineuses à la recherche de gloire, ou un truc du genre, ça en vaut la peine avec du FENRIR dans les esgourdes.

Morceaux préférés : "Lost In The Twilight", "Morrigane’s Fury", "Tristan And Iseult".