COLOSSEUM est le nom latin pour désigner le Colisée, cet amphithéâtre romain où se dressaient les pires combats de gladiateurs et les extravagances d’une partie de l’empire Romain. Mais j’ai toujours associé cette entité au mot colosse. Et sur ce dernier chapitre composé à nouveau de main de maître par Juhani Palomäki, ce colosse est aux pieds d’argile, et ses pieds ont des plaies infectées et dont il serait raisonnable de prendre soin.

Les deux premiers épisodes de COLOSSEUM jouissaient d’une source où jaillissait une eau tout à la fois bourbeuse et cristalline. Bourbeuse car le Funeral Doom y coulait à flots et sortait des profondeurs un magma dense et brûlant. Cristalline car l’eau apportée à la surface dégoulinait de vie, de cristaux mélodiques et de minéraux harmonieux. Mais en 2010 – date à laquelle l’album fut composé - cette eau prodigieuse aurait pu encore guérir les plaies, mais le colosse irraisonnable ne le souhaitait plus. Il avait déjà chu en lui et se refusait à arpenter encore une quelconque distance. À quoi bon désirer quand le cœur se meurt ? À quoi bon se réveiller à nouveau quand la nuit contamine l’esprit ? À quoi bon respirer quand les poumons se vicient d’eux-mêmes ?

COLOSSEUM en plissant les yeux vers le sol décida de ne plus les relever et ce "Chapter III: Parasomnia" est l’écho de cette contemplation finale du sol, de ce dernier pré carré qui s’offre à la rétine avant la chute totale du corps et son dernier contact ressenti avec l’écorce terrestre… À l’écoute de ce disque nous pouvons percevoir toute la lancinance douloureuse absolue des plaies. Le growl de Juhani absorbe tous rais de lumière que les leads des guitares propagent. Et pourtant des leads toujours aussi beaux, il y en a sur ce dernier chapitre de COLOSSEUM. Composé de cinq titres dont quatre dépassent allègrement les dix minutes, il est le moins accessible des trois mais aussi le plus funéraire. "Chapter III: Parasomnia" est un appel du pied à la mort. Des claviers liturgiques cernées des trompettes du jugement dernier sur "On The Strand Of Nightmares" ou bien encore les envolées lyriques empoisonnées de la dernière partie de "Dilapidation And Death" sont autant de signaux qui nous font craindre le pire.

L’enregistrement de cet opus se termina fin avril 2010. Quinze jours après, Juhani s’enlevait la vie, laissant COLOSSEUM et en premier lieu YEARNING orphelins à jamais. Ce dernier chapitre de l’épopée Funeral Doom de Juhani est souffreteuse comme jamais et pue la rigidité cadavérique à venir. Il offre néanmoins des passages tremblants de cette lumière blanche fantasmée du bout d’un tunnel. Plus que jamais encore l’on ressent les accointances familiales avec un SHAPE OF DESPAIR aux abois. Les longues plages sonores s’écoutent d’une traite, et sont toutes intéressantes et bien composées. Juhani n’aura donc jamais fait de la merde et aura été au bout de sa démarche jusqu’à son dernier souffle. Posant son empreinte originale composée d’un Doom atmosphérique et mélodique prodigieux au sein de YEARNING, notre homme aura transposé cet ADN au sein de ce Funeral Doom talentueux qu’est COLOSSEUM.

Laissez-vous donc porter par cette heure de musique pour embrasser non plus le masque funéraire de COLOSSEUM mais son caveau. Au-dessus de celui-ci flotte une faucheuse goguenarde qui vous sourit et vous attend.

Note réelle : 3,5/5.