Il faut quand même avoir le cœur sacrément bien accroché pour se lancer en 2023 dans un groupe de Metal en France et espérer y percer, tant la compétition est désormais rude sur le créneau et les conditions financières peu propices (redevances minimes des plateformes, coût des tournées…). Ou alors, il faut simplement y croire, avoir envie de faire sa musique pour le plaisir de créer, de trouver un accomplissement personnel à travers sa passion, pour éventuellement, sur un malentendu, parvenir à en vivre. Mais dans ce cas précis, il convient a minima d’y mettre toutes ses tripes et d’avoir un minimum de talent. Ça tombe plutôt bien, car c’est le cas de BLAST FROM THE PAST, fraîche formation originaire de Caen (les trois co-fondateurs, Médéric, Alban et Aloïs ont tous trainé leurs guêtres ensemble dans un autre combo), constituée il y a à peine dix-huit mois avec l’incorporation de Michaël (basse) et de Nicolas (guitare). Les gaillards ont même poussé le raffinement à nous concocter un artwork intrigant et élégant, gage de leur implication minutieuse sur chacune des étapes de cette offrande.

Il faut leur reconnaître cette envie, alors que leur E.P séminal déboule déjà, entièrement auto-financé et auto-produit, à peine un an et demi après leur rencontre. "Void" nous est donc présenté en guise d’introduction à leur univers de Metal moderne, brassant des influences larges et parfaitement digérées. Délaissant les grands anciens des 80s comme figures tutélaires, les inspirations viennent plutôt puiser du côté des années 2000, du Groove de LAMB OF GOD au Melodeath suédois, en passant par le Metalcore métissé de TRIVIUM, ce dernier faisant office de pont entre les deux précédents courants. S’il est souvent réducteur d’effectuer ce type de comparaison, elle n’en reste pas moins révélatrice de ce à quoi vous attendre sur la galette, tout en se montrant pleinement assumée par les protagonistes.

Quatre titres au menu, c’est peu et beaucoup à la fois pour se faire une idée sur l’identité musicale de BLAST FROM THE PAST. Tel un adolescent vigoureux et avide de découvertes, le groupe s’essaie à différents exercices, poussant ici le curseur côté bagarre ("Lost In The Fear"), et là le côté sensible ("Sing Not To Fall"), parfois sur la même piste. Médéric et sa bande tentent beaucoup de choses, qui fonctionnent (souvent) et échouent (parfois). Leur volonté d’offrir aux auditeurs toute la palette de leur savoir-faire est louable, d’autant que les bougres ne sont franchement pas des manches, c’est le cas de le dire ! Je peux ainsi vous affirmer qu’au niveau guitares, ça envoie sévère à tous les niveaux : riffing thrashy, ambiances ciselées à l’arpège, soli exaltés aussi bien techniques que mélodiques, c’est pour moi LE gros point fort de cet essai. Interchangeables, Nicolas et Aloïs se répondent dans un bel exercice de complémentarité et d’efficacité. Pour un premier jet, c’est franchement bluffant.

Les compositions sont plutôt bien construites et équilibrées avec sensibilité, et "Void" ne contient aucun titre faible, s’écoutant avec plaisir d’un bout à l’autre. Mais de cette variété nait parfois la sensation de manque de cohérence, l’E.P. ne formant pas totalement un tout consistant, mais plus une succession de chansons indépendantes, aussi infaillibles soient-elles. Autre petit bémol, la production home-made se fait parfois sentir, notamment au niveau des voix. Si le timbre de Médéric est intéressant et possède un grain particulier, tant en chant clair qu’en growl, le rendu est parfois trop plat, manquant d’effets, de profondeur, dénotant par moments avec le reste des instruments, surtout lors de l’arrivée de la voix claire, un brin décalée.

On pourra s’arrêter sur ces éléments, comme on pourra surtout reconnaître que BLAST FROM THE PAST sait créer des putains de chansons. Loin d’être linéaires, celles-ci se révèlent écoute après écoute, bien aidées en cela par un petit pont chiadé, un breakdown puissant, ou de multiples saillies guitaristiques, comme évoqué précédemment. À ce titre, la très AMON AMARTHienne (mais pas que) "Beyond The Sky" ne manquera pas de faire son petit effet, malgré un départ de riff rappelant fortement le "Put Your Back Into The Oar", tout autant que la furibarde "Endless Abyss", qui sent bon le napalm au petit matin, mais les deux autres tracks ne font absolument pas tache à côté.

Gageons qu’avec l’expérience et la maturité, le combo saura effacer ces petites scories frustrantes. De mon côté, j’ai trop récemment conspué les mauvais disques, dissimulés sous des tonnes de couches de surproduction en guise de cache-misère, pour bouder mon plaisir et ne pas simplement profiter de bonnes chansons, solides, exécutées avec énergie et application. J’espère sincèrement qu’à l’instar d’un FALLEN JOY avec "Order To Die", ce "Void" ne constituera qu’une mise en appétit, si agréable soit-elle.

Note réelle : 3,5/5.