"ATTENTION, CHIEN MÉCHANT", semble nous crier cet album par tous les pores, avant même qu’une seule note ne soit sortie de ses entrailles putrides. De son artwork, faussement sophistiqué, au genre prodigué (une sorte de Deathcore chaotique vaguement Industriel) en passant par le line-up de la formation ! Jugez plutôt : l’hyperactif Will Putney (FIT FOR AN AUTOPSY) s’est entiché pour l’occasion de Brendan Murphy (COUNTERPARTS) pour tenir le crachoir et venir maltraiter nos tympans. Absolument sans concession, la musique réalisée par END n’est pas à mettre en toutes les oreilles, tant elle vise la carotide de la première à la dernière note.

Tout, absolument tout dans ce disque est destiné à martyriser son auditoire. Et pour avoir assisté à leur show au Hellfest en 2023, je puis vous assurer que l’effort studio relève malgré tout plutôt d’une comptine pour enfants en comparaison de son rendu scénique, ce qui n’est pas peu dire. Le chant de Murphy est absolument dantesque, et quand cela ne suffit pas, END convie J.R. Hayes (PIG DESTROYER), Debbie Gough (HERIOT) ou Dylan Walker (FULL OF HELL) à prendre le relais (mention spéciale décernée à la damoiselle, absolument impeccable contrepoids du Frontman titulaire sur "Thaw").

Les rythmiques, généralement plutôt Deathcore, frisent par certains moments le Grind, dans un agencement surprenant que l’on pourrait assimiler à du Mathcore à la The DILLINGER ESCAPE PLAN, voire CONVERGE. L’ensemble est très perturbant, faisant tomber les repères habituels en matière de Metalcore. Et puis il y a ces ambiances, toujours aussi poussées et sublimées par la production impeccable de Putney, nouveau maître en la matière, lui qui officie derrière la console pour une pelletée d’artistes de ce créneau (INCENDIARY, KNOCKED LOSE). Ajoutez à cela dissonances à foison et arrangements électroniques malaisants, et vous aurez une petite idée de la mixture proposée par ce nouveau venu en matière de brutalité.

"The Sin Of Human Frailty" tabasse donc sévèrement, sans laisser place au confort de headbanger gentiment dans son coin, la pinte à la main. Car au détour de chaque riff, un nouveau déluge se tapit dans l’ombre, prêt à cogner derrière la nuque. A l’angle d’un passage plus atmosphérique, les blasts, les hurlements, ou les deux. Ce disque est la bande son d’un film d’horreur, d’un snuff movie contemporain, sentiment renforcé par la production moderne et gavée d’ajouts inquiétants. Tout contribue à accroître l’angoisse, qui grandit inexorablement de piste en piste. En cela, il constitue une réussite assez éclatante, touchant au but sans discussion possible.

Bruitiste, l’opus l’est fondamentalement, renforçant la confusion qui pourrait s’emparer de vous si d’aventure vous consentiez à tester l’expérience. Les sens sont éparpillés au gré des salves dévastatrices, mais comme tout bon tortionnaire, END sait vous laisser de temps à autres reprendre votre souffle avant de vous recoller la tête dans le sac, et parvient ainsi à maintenir l’attention durant les trente minutes, amplement suffisantes pour être honnête avec vous, que dure le carnage. Il ménage de courtes pauses bienvenues, qui ne viennent finalement que renforcer la rage des assauts soniques auxquels vous aurez à faire face. De trop nombreux groupes ont en effet tendance à taper sans interruption, ce qui a le don d’atténuer la portée de leur dessein et d’exaspérer au final. Le gang du New-Jersey (oui, oui, il n’y a pas que BON JOVI là-bas) ne mange définitivement pas de ce pain-là.

Techniquement irréprochable, la musique du combo souffre toutefois d’une impression de bordel permanent, somme tout inhérente au genre prodigué, rendant l’écoute exténuante si l’on y prête l’attention qu’elle mérite. N’étant pas un immense fan de Mathcore même si je reconnais des qualités au style, j’ai du coup du mal à pleinement accrocher à la chose, dans mes tripes, malgré toutes les louanges que devraient refléter ma chronique. Le ciboulot voudrait crier au génie mais le bide se tord devant les sales images que m’inspirent les dix pistes tourmentées de la galette. Un tout petit peu plus de consistance n’aurait pas fait de mal à l’affaire, qui part véritablement dans tous les sens, d’une seconde à l’autre, à l’exception de la conclusive "Leper", plus posée car plus structurée. Les quelques marqueurs Metalcore présents sur l’opus permettent néanmoins de garantir un semblant de continuité réconfortant au désordre, les riffs acérés labellisés HM2 y étant pour beaucoup, merci à eux. Ils constituent une bouée de sauvetage pour les marins d’eau douce comme votre humble serviteur.

"The Sin Of Human Frailty", que l’on pourrait traduire par "l’insigne faiblesse de la nature humaine", n’en restera pas moins une épreuve de force, probablement insurmontable pour les béotiens. Il saura en revanche clairement séduire un public amateur de "très extrême", tant il est pétri dans le talent brut et exécuté par des professionnels reconnus, en pleine maîtrise de leur art. Si tel est votre cas, je vous encourage vivement à venir constater le déferlement par vous-même, à l’occasion de leur prochaine tournée. Mais prenez garde malgré tout, il se pourrait bien que vous vous mettiez à aimer ça, tas de déviants !