Il y a quelque-chose de rafraîchissant à voir ces musiciens effectuer un retour aux sources Death, après avoir exploré des contrées plus accessibles pendant la majeure partie de leur carrière. Comme une envie de s’éclater naïvement de nouveau sans contraintes, une fois la reconnaissance du "grand" public obtenue (et les comptes en banque grassement garnis peut-être). Après GRAND CADAVER réunissant la fine fleur suédoise autour de Mikael Stanne (DARK TRANQUILLITY, The HALO EFFECT), voici donc ASINHELL, projet monté par Michael Poulsen, fondateur, chanteur et guitariste de VOLBEAT, qui avait en effet usé ses culottes courtes au sein d’un DOMINUS officiant dans un versant plus extrême, avant d’escalader les charts avec ses comparses et son Elvis Metal Poppy, produisant une discographie séduisante, quoiqu’hétérogène en termes de qualité notamment sur les derniers opus. Il ne manquerait plus que Tobias Forge (GHOST) s’y mette pour que la boucle soit bouclée définitivement et siffle la fin de la récré… Mais ceci est sans doute une autre histoire.

N'ayant plus rien à prouver avec sa formation, sentant même la formule s’essouffler sur la durée, notre Danois favori (l’autre KING me semblant avoir passé la date de péremption) s’offre donc une cure de jouvence aux racines du mal et s’entoure de ses potes Marc Grewe (ex-MORGOTH) et Morten Toft Hansen (RAUNCHY) pour enregistrer des riffs composés lors des sessions de "Servant Of The Mind", mais typés trop Death pour VOLBEAT et donc remisés de côté.

"Impii Hora", l’heure impie en latin pour les ignares et autres mous du bulbe, voit donc le jour en septembre 2023, faisant la part belle aux grands noms du genre et rendant hommage à des groupes aussi mythiques que BOLT THROWER, ENTOMBED, AUTOPSY et bien d’autres encore (des petites traces de DEATH ?), issus de la scène de la fin des années 1980 / début des nineties, y incorporant quelques hooks bien catchy. Brian Slagel n’a pas tardé à flairer le bon filon, signant illico-presto Poulsen et ses acolytes sur son label légendaire, Metal Blade. L’ami Michael s’est donc ici fait son petit kiff, sans arrière-pensées. Mais la véritable question subsiste : parvient-il à nous en donner, du plaisir ?

La réponse ne manque pas de tomber dès la première piste de la galette, "Fall Of The Loyal Warrior", fidèle au cahier des charges annoncé : c’est un véritable "oui" ! Tant dans sa dynamique générale que ses textes guerriers, le morceau s’inscrit pleinement dans la lignée des influences mentionnées, sans conditions particulières. Rentre-dedans mais malgré tout mélodique à l’instar de son solo versant du côté du Melodeath, le titre est d’une efficacité redoutable et tape dans le mille, ravivant la flamme vacillante du son labellisé HM-2. Le côté un peu trop clean de la production est heureusement contrebalancé par la voix gutturale et hargneuse de Grewe, bien râpeuse pour le coup (faudrait voir à me soigner cette petite laryngite, monsieur).

Les trois larrons se montrent impeccables, chacun dans leur registre. Ayant délaissé le chant pour l’occasion, l’habituel frontman peut pleinement se concentrer sur son jeu de guitare immédiatement reconnaissable, assurant riffs tranchants comme des tronçonneuses ("Pyromantic Scryer", Thrashy à souhait) et soli, certes un brin léchés mais garant de la caution harmonieuse de l’affaire. Truffé de petits leads discrets "à la VOLBEAT" mais néanmoins à leur place, on sent que Poulsen s’en est donné à cœur joie à la gratte sur chaque titre, s’émancipant de ses habituelles entraves. Toft Hansen castagne derrière les toms avec subtilité, variant les plans à propos ("Wolfpack Laws"), tandis que Grewe nous offre une partition habitée ("Trophies", "The Ultimate Sin") parfaitement à sa place dans cet univers, de quoi regretter sa relative discrétion ces derniers temps.

"Impii Hora" délivre un Death Metal accessible sur un peu moins de quarante minutes de bonne facture, volontairement old-school dans son approche jusqu’à cet artwork noir et blanc mais moderne dans le son, ne se perdant pas en route et tenant le cap sur la durée du disque. À l’image de GRAND CADAVER, on sent une approche assez instinctive dans le processus de composition, dénué de toute volonté de complexifier le rendu et d’ambition de réaliser l’album de la décennie. Ce n’est effectivement nullement le cas - je préfère vous prévenir - mais cela ne constituait pas non plus sans doute l’objectif lors de la création du combo.

Cet essai séminal d’ASINHELL constitue indubitablement une réussite, malgré une approche un chouïa trop propre et trop sage. Il contient suffisamment de variété dans les rythmes, les thèmes, et l’agression – en sus d’une solide musicalité – pour offrir aux auditeurs curieux et amateurs de la chose, un bon moment de Death sincère prodigué avec l’enthousiasme juvénile d’une bande de copains ayant grandi biberonnés à cette scène émergente d’un autre siècle. Il ne lui manque qu’un brin de personnalité ou d’originalité pour s’avérer à la hauteur de ses illustres prédécesseurs, ce qui ne vous empêchera certainement pas d’headbanger à souhait ou de taper du pied à l’écoute de "Impii Hora", le sourire de la satisfaction fermement vissé au bec.

Note réelle : 3,5/5.