KALISIA a enfin eu son heure gloire lors de la sortie et l’achèvement de cet acmé discographique porté aux nues qu’est "Cybion". Une pièce maîtresse passionnante dans son concept et étouffante de détails sortie en 2009, un peu dans la douleur, après maints reports. "Cybion" m’a toujours fait penser aussi au "Crimson" premier du nom de EDGE OF SANITY qui jouit du travail inspiré du brillantissime Dan Swanö, mais KALISIA n’atteint pas le même sommet à mon humble avis. Pourquoi ? Hormis quelques accointances réciproques notamment sur les parties vocales et les changements de rythme incessants, EDGE OF SANITY excelle à sa manière malgré les treize ans qui les séparent. Entendons par là que "Crimson" est volontiers ténébreux et atmosphérique là où KALISIA tire davantage la ficelle de la grandiloquence symphonique dérivant parfois malencontreusement vers des envolées lyriques un poil kitschissimes. Son étonnante variété de style peut aussi décontenancer mais je suis davantage d’avis qu’il s’agit plutôt d’une plus-value indéniable. Je ne retire rien au déluge mélodique et prodigieux des compositions, il n’empêche que les tourments de Dan Swanö ont mes faveurs et me semblent davantage digestes. KALISIA comporte en son sein des virtuoses, il est donc facile de comprendre que l’album ultime qu’est "Cybion" concentre et libère l’ensemble du génie qui sommeillait et bouillait en chacun d’eux. Et pour cause, un peu plus de treize ans également sépare sa sortie de celle de la démo "Skies", la faute à une technicité sans faille et un concept gargantuesque et immaîtrisable techniquement, l’opulence mélodique de "Cybion" aura-t-il eu raison du groupe ? Je dois bien vous l’avouer et je pense ne pas faire mon cachotier mais peut-être le porte-voix de quelques autres : il n’est pas toujours aisé de s’enfiler les 71 minutes d’une traite, quand bien même l’œuvre est belle et grande. Fin de la parenthèse.

Que représente alors "Skies" dans le paysage sonore de 1995-1996 ? Je dirais qu’il s’agit d’une démo riche, petite pépite du temps passé, trépignant et craignant l’abandon dans des tiroirs poussiéreux, quand d’autres têtes de pont enchaînaient les sorties et les lives (je pense notamment à SEPTIC FLESH ou bien OPETH). La scène française n’était pas en reste en ce temps-là et d’autres groupes sortaient la tête de l’eau en proposant des albums innovants et originaux. Je pense à CARCARIASS et son "Hell On Earth", quelques années avant l’incroyable "Killing Process", ou bien encore au "Anomaly" de S.U.P. Car oui, "Skies" est un petit chef d’œuvre prématuré resté dans la couveuse faute d’autres sorties pendant plus de dix ans. Néanmoins la logistique de KALISIA était déjà présente et pas que de manière embryonnaire sur cette démo, ce proto "Cybion" avait tapé dans l’œil du label Adipocere Records, qui en ce temps-là, avait le nez creux pour sentir l’orientation du vent. De l’aveu même du groupe, "Skies" en quatre petits titres trouva rapidement et facilement un public enthousiaste et impatient de ce que le groupe allait par la suite produire dans un prochain LP.

Le Death Metal Technique et Progressif de KALISIA arborait déjà quelques fières étoiles gagnées à la sueur des répétitions et du travail d’arrangement. Les titres sont assez longs, la production est convenable mais souffre du temps passé. Le chant growlé peut sembler quelconque mais la technicité des leads des guitares et le jeu intéressant d’une basse parfaitement audible redore rapidement le blason de KALISIA, car nos Frenchies sont sévèrement inspirés et les riffs transpirent partout dans les recoins de chacun des quatre titres, volontiers épiques, volontiers aventuriers, volontiers éthérés, aériens et rêvasseurs. "Skies" est arrivé près de mes oreilles par l’intermédiaire de la compilation Metal Explosion du magazine Metallian suite à la réédition en version CD de cette démo cassette. Le titre prodigieux "Lost Souls" en faisait partie et causa un emballement chez une partie des copains de l’époque. J’étais assez sensible à cette émulation, la trouvant fort juste puisque les riffs assez aguicheurs étaient finement construits et le titre dans son ensemble restait bien en tête. Chemin faisant, la nostalgie aidant, "Lost Souls" sonne comme un doux rayon de soleil aux heures fastes de vie et cette démo, non exempt de défauts (cymbales en retrait, claviers parfois brouillons, production un poil bouchée), vit admirablement bien en 2023. Une aura semble l’entourer, la protégeant d’attaques basses et sournoises, son statut quasi culte lui confère une certaine immunité.