Toutes et tous vous avez déjà essayé de faire écouter du Metal Extrême à des profanes qui vous ont immédiatement rétorqué que votre "musique" n’en est pas vraiment puisqu’ils ont l’impression d’entendre un bruit quasi insupportable, sans aucune recherche de mélodie ou d’émotion. Le dépit vous a envahi et comme à chaque fois, vous êtes sidérés par un tel manque de curiosité. Pourquoi est-ce si difficile de faire comprendre combien votre cœur vibre lorsqu’un type émet des bruits de cochon sur un rythme de batterie dont personne n’imaginerait que l’on puisse atteindre de telle vitesse ? Avant de vous énerver seul dans votre coin en étant persuadé que tous ces connards qui écoutent NRJ mèneront notre monde à sa perte, revenez quelques années en arrière et replongez-vous dans vos débuts métalliques. N’aviez-vous pas commencé avec METALLICA et IRON MAIDEN ? Avant d’évoluer plus ou moins rapidement vers un peu de Thrash, OVERKILL, EXODUS. Sûrement un brin de gentil Black Metal de débutant, CRADLE, CHILDREN OF BODOM ou DIMMU BORGIR ? Le temps est passé, au lycée vous avez probablement honteusement perdu votre virginité avant de partir faire des études ou travailler. Devenu semi-adulte, on écoute du son plus dur, MARDUK, BEHEMOTH et GORGOROTH. Les vrais méchants, eux, écoutent du Trve Black enregistré dans une cave pourrie. KATHARSIS, XASTHUR et NACHTMYSTIUM grésillent tellement que ça vous fait marrer. Vous êtes jeune, fou et vous votez à gauche. Et puis un jour, après une trop longue nuit passée à picoler sévère, ce satané mal de tête persiste… Aïe… Vous avez vingt-huit ans. Plus de temps à perdre, il vous faut du sérieux, de l’extrême, du rapide, du Brutal Death à la ABORTED, NILE et ORIGIN. Vous vous croyez encore fougueux mais il faut bien l’avouer, vous vieillissez et vos attentes changent. Le retour au bon vieux temps est logique et inévitable. Le rythme ralentit. Ce n’était pas forcément mieux avant mais le Death à l’ancienne façon BOLT THROWER, BLOODBATH et IMMOLATION, vous rend nostalgique. Vous avez passé les trente ans et avez eu la brillante idée de faire un mioche. Plus exigeant, vous recherchez du Metal plus élitiste. SVART CROWN, VERBERIS et OF FEATHER AND BONE vous aident à vous évader pendant la sieste de votre démon. Un enfant plus tard, vous voilà officiellement un vieux con en devenir. Lorsque vous buvez le samedi, c’est maintenant jusqu’au mardi que vous en chiez. Vos interrogations sur la vie évoluent. En sirotant un cocktail au gingembre bien trop cher dans une guinguette bien trop chère peuplée d’électeurs de centre droit, vous vous demandez si la complexité sublime ou annihile l’œuvre musicale. Quel chemin intellectuel parcouru. Vous avez plus de vingt ans de Metal derrière vous et voilà que NIGHTMARER débarque avec son deuxième full-length, "Deformity Adrift".

Pour celles et ceux qui n’ont pas autant d’années d’expérience, pas d’inquiétude, le Brutal Death-Doom-Core-Indus pratiqué ici bas n’est pas si complexe et reste plutôt accessible à qui saura tendre une oreille curieuse. Si vous aviez déjà apprécié leur précédent album "Cacophony Of Terror" sorti en 2018, vous ne serez pas dépaysé, du moins durant la première moitié du disque. Le bal s’ouvre avec "Brutalist Imperator" qui est sans concession, rapide et efficace. La qualité de la production saute aux oreilles, c’est parfaitement mixé. La basse de Brendan Sloan est sublime et les guitares dissonent toujours autant. "Baptismal Tomb" nous enterre à grands coups de pioche. Chaque coup de guitare nous enfonce un pied supplémentaire sous terre. Vous pensiez vous en sortir pendant la petite pause aux accents de Free Jazz ? Le blast reprend quelques secondes pour achever le travail. Si vous n’étiez pas encore tout à fait convaincu, les quatre fossoyeurs en remettent deux couches avec "Throe Of Illicit Withdrawal" et "Suffering Beyond Death".

La première moitié de l’album, intense et rude, s’achève puis la musique bascule vers une deuxième phase plus expérimentale. Moins de riffs et toujours plus d’arpèges dissonants qui résonnent pour mieux torturer nos pensées. Si on met de côté l’interlude "Endstadium", tout à fait dispensable, les trois derniers morceaux mettent l’accent sur la lourdeur et la lenteur. Le changement philosophique est assez brutal sur "Taufbefehl" avec des gros riffs Neo Metal grand public et ses paroles criées pour moitié en allemand. Le morceau est déroutant et assurément original. Le rythme ralentit mais on ne respire pas mieux pour autant. Les différentes couches de terre se succèdent. Encore des breaks dévastateurs sur "Hammer Of Desolation". L’espoir est de plus en plus mince. Arrive enfin "Obliterated Shrine", le morceau de conclusion qui nous fait longuement mariner entre les planches, avant un gros blast jouissif synonyme de non-retour. La tombe est définitivement fermée, c’est terminé, rideau.

Faussement moins intense, la deuxième partie de l’album prend toujours plus de force à chaque nouvelle écoute. Ne faites pas l’erreur de délaisser ces morceaux moins directs et à première vue moins intéressants. Sur cette galette, pas de masturbation inutile avec des pièces qui nous perdent pendant d’interminables minutes. Des compositions courtes et massives, voilà la recette. Les nombreux changements de rythme et la permanente dissonance des guitares complexifient l’écoute. Mais est-ce vraiment un problème ?
Après tout, l’art n’est ni une question d’âge, ni une question d’expérience. La musique a le pouvoir d’emporter n’importe qui, n’importe où. Puisse votre progéniture être touchée par cet album divin.