Premier effort du combo des banlieusards de Viroflay et premier coup de fouet, BLACK BOMB A distille son anarchie et sa quête de révolte aux quatre coins de la région parisienne, dans maints concerts, en se faisant porte-voix de cet EP démoniaque. Bénéficiant de l’appui et du coup de pouce du collectif associatif Schiracha Posse basé à Saint Ouen, BLACK BOMB A va se faire rapidement un nom sur cette scène où se côtoie d’autres groupes promus par l’asso : LOFOFORA, FFF, ONEYED JACK, WATCHA pour ne citer que les plus connus. Les activités de Schiracha Posse seront multiples : édition, production, fanzine, site internet (pas mal pour l’époque), organisateur de concerts et de tours, management, distribution. Cet activisme effréné et engagé permettra de produire une belle rampe de lancement à tous ces groupes, tout en permettant à d’autres d’entrevoir la lumière.

"Straight In The Vein" sent déjà le soufre et la sauce prend bien au nez car l’EP renvoie, rapidement, dos à dos et dans les cordes, tous les poseurs de la scène en seulement cinq petits titres et vingt petites minutes d’inspiration. Le groupe aura toujours su brasser un public large, composé de néo-métalleux, de skateurs, des derniers dinosaures punks mais aussi de rappeurs curieux. Dans les concerts où ça slammait sa mère, le groupe s’est rapidement identifié comme entiché d’une originalité forte notamment par le chant crissant de Poun mêlé avec celui du coreux Djag. Se rendant coup pour coup, les deux frontmen ont porté une dynamique forte et ont fortement influencé l’identité du groupe en imposant cette marque de fabrique tout au long de leur discographie, malgré un line-up instable. La production sur cet EP les met particulièrement en avant. Ça joue bien, les guitares sont intelligibles, la basse bien produite et discernable et le cogneur Franck martèle bien ses fûts. Sous la coupe de Stéphane Buriez de LOUDBLAST, qui a repéré le potentiel du groupe, BLACK BOMB A va travailler ses compositions et accoucher du superbe "Human Bomb" deux ans plus tard.

L’EP n’est pas linéaire et mélange, mixe, pas mal d’ambiances assez différentes. Il n’est pas purement Hardcore ou Punk mais glisse de l’un à l’autre, en y adjoignant des incursions de Rap Metal, des touches plus sensibles, je pense notamment aux leads féminins de "Judge" qui apportent un peu de douceur quasi mélancolique à un morceau qui, du reste, garde une dynamique très Hardcore avec des parties de vocalises souvent rappées. Le collectif BLACK BOMB A est un touche-à-tout ingénieux et s’improvise alchimiste dans cet EP, en faisant expérience d’un melting pot musical. Volontiers agressif dans "Shot", ou l’enragé Rap Metal "Hostile Infection", le groupe sonde d’autres ambiances avec "Law’s Phobia" qui me rappelle les velléités plus alternatives.

BLACK BOMB A tire les origines de son nom par un jeu de mots entre le Black Bombay, du haschisch coupé avec de l’opium, et le A de l’Anarchie. Que reste-t-il de l’esprit de l’anarchie en cette fin de millénaire où bon nombre cherchent à se rassurer dans l’esprit du multiculturalisme ou se faire peur avec les superstitions déclinistes du bug de l’an 2000 ? Peut-être plus grand chose, du moins la jachère entre les deux paraît prononcée. BLACK BOMB A témoigne de cette époque, quelque peu sordide. Entraînant avec lui les kids, les seuls sans doute à croire, à l’heure actuelle encore, à la véracité de l’esprit libertaire, le groupe maintiendra sa contestation totale et l’armera de manière bien plus prononcée dans l’effort suivant "Human Bomb" considéré comme le meilleur de leurs albums.