Les deux dernières réalisations siglées du nom d'Arjen ont soulevé des interrogations, et sans doute, hélas, amorcé un déclin inévitable. À plus de soixante ans, l'infatigable compositeur et multi-instrumentiste est désormais bien entouré, loin de la solitude et de l'isolement dans lequel il entreprenait ses aventures fantasmagoriques. Depuis la tenue des premiers concerts d'AYREON, non seulement sa marque a pris une autre ampleur, mais il collabore de plus en plus étroitement avec certains de ses artistes (Marcela Bovio, Joost Van Den Broek…).

Le dernier nous intéressera car on le retrouve en compagnie d'un Arjen qui s'est concentré sur sa Dingwall cinq-cordes au sein de ce nouveau projet. Projet parti d'une opportunité de réaliser un cover de ZZ TOP dans un temps limité, qui a amené Arjen a déléguer le recrutement d'un batteur à même d'enregistrer ses parties lui-même, pendant qu'il recontactait le fils de son ex et défunt partenaire de VENGEANCE : Timo Somers, qui avait déjà collaboré avec lui pour The GENTLE STORM., John Jaycee Cuijpers a vu sa popularité grossir depuis dix ans, tant pour les fans du Lucassenverse qu'au niveau des sessions (on l'a retrouvé ses dernières années aux côtés de DEMONS & WIZARDS et BLIND GUARDIAN).

Cette association, d'abord baptisée Arjen Lucassen Federation (ALF) et révélée sur les réseaux par Arjen le 1er avril, sent très vite qu'elle s'éclate, mais ne se voit pas devenir un groupe de reprises, et notre géant, éternel créatif, la fait muer en SUPERSONIC REVOLUTION, qui rejoint la liste des groupes formés par l'artiste (STREAM OF PASSION, The GENTLE STORM…). Cela va lui donner l'opportunité d'écrire une vibrante déclaration d'amour aux seventies qu'il considère comme le "Golden Age Of Music".

Et tout le processus créatif va venir d'une diffusion sur YouTube de "Smoke On The Water" de DEEP PURPLE. Bien entendu, comme beaucoup de hardos en herbe, on n'a plus écouté volontairement ce titre depuis longtemps, tellement on le connaît en long en large en travers. Mais cette idée d'un mix sans mur sonore, avec une guitare, un orgue Hammond, basse, batterie et chant, va faire son chemin et aboutira à l'écriture de "Burn It Down" qui lui rend hommage avec évidence. Il était même question au départ d'essayer de convaincre Ian Gillan d'enregistrer une intro parlée où il fustigerait l'artiste pour son plagiat. Il n'en sera rien, mais l'ADN de "Golden Age Of Music" réside dans ce titre.

Avec un tel état d'esprit, mais aussi une combinaison de musiciens époustouflants, les années soixante-dix sont passées à la moulinette ; de "The Glamattack" qui évoque le "Set Me Free" de SWEET tout en citant "The Sixteens" dans ses paroles, "Odyssey" qui au-delà de la musique montre la volonté d'Arjen de parler de la décennie d'une manière générale, et pas seulement de musique. Même sur le plan visuel, l'artwork est chamarré, bourré de références, et son logo, à la conclusion d'un impensable concours de circonstances : le célèbre Roger Dean a été contacté par Arjen Lucassen, qui sera surpris d'apprendre que l'illustrateur anglais avait acheté "Revel In Time" et l'avait adoré. Ce dernier lui suggèrera de désigner un logo basé sur les initiales du nom, arguant que SUPERSONIC REVOLUTION serait un nom trop long à logotyper… Seul inconvénient, pour obtenir un délai de Roger Dean, comptez minimum six mois. C'est donc au final Arjen qui aura dessiné le logo, avant qu'une équipe se charge de lui donner son aspect définitif.

Un pont est donc dressé avec "Lost In The New Real" dont les inspirations graphiques évoquaient peut-être même encore mieux le studio Hipgnosis, puisque la musique évoquée par "Pink Beatles In A Purple Zeppelin" est celle qu'écrit SUPERSONIC REVOLUTION sur "Golden Age Of Music". Avec un sens de la virtuosité plus développé, une expressivité largement valorisée, un orgue Hammond omnipotent (vaut mieux apprécier l'instrument je vous préviens) et des vocaux puissants et conquérants, cet album a dévoilé, dès "The Glamattack" tout son potentiel, sur un tempo très STAR ONE-esque je serais tenté de dire. Ce haut niveau de musicalité se retrouvera d'ailleurs sur les reprises de la fin d'album, SUPERSONIC REVOLUTION passant sans effort de Roger GLOVER à EARTH WIND AND FIRE, même si je trouve le résultat un poil trop bourrin.

Difficile de savoir si l'album fera date, mais sa réception semble ultra positive, l'écriture d'Arjen y apparaît un peu plus fraîche que ces dernières années, une volonté assez claire de sa part depuis "Transitus". Et il y en a des refrains mémorables sur ce disque, si on se concentre seulement sur l'aspect catchy (et la musique ça n'est pas que cela, et dans l'état d'esprit seventies de "Golden Age Of Music" c'est encore plus flagrant). Mais en ne voulant pas d'un album qui sonne vieux, Arjen a peut-être produit "Golden Age Of Music" de façon un peu bourrine (le mastering de Joost n'ayant sans doute pas arrangé les choses), et tellement valorisé la balance entre l'orgue et la guitare, que personnellement l'écoute du disque m'épuise.

J'y vois néanmoins une nouvelle pierre à l'édifice imposant d'un artiste qui quand il nous quittera laissera un catalogue d'une assez étonnante régularité, et surtout investi par un amour immodéré de la bonne musique. Mais bon, le géant a visiblement déjà deux autres albums en route, donc on n'en a pas encore fini, prions juste pour que cette bouffée d'air frais innerve les flux créatifs du bonhomme, mais qu'il se rappelle aussi que son public apprécie la subtilité, en fait peut-être pas finalement, quand on voit la différence de réception entre "Golden Age Of Music" et "Transitus"…