SPECTRAL DAMNATION est groupe belge avec deux ex-membres du groupe ENTHRONED, ça vous parle un brin j’imagine ? Après, bien évidemment ceux qui ont moins de 20 ans, vous êtes priés d’aller googliser les références ! Au vu de l’historique des membres, nous n’avons pas à faire à de jeunes premiers aux dents longues mais davantage à un collectif de vieux briscards pas vraiment encore sur le retour. Et nous le ressentons rapidement tant les compositions respirent l’affirmation de soi. Elles déroulent sereinement, si je puis dire, sans excès de goûts et avec une grande maîtrise. "C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs soupes", n’est-ce pas ? En disant cela je me fais bien comprendre, mais SPECTRAL DAMNATION n’entend pas la même chose ; et déjà un contrat flotte sur ma tête. Je ne pourrai donc plus jamais me rendre à Charleroi, la ville où siège le groupe.

Pourtant cette ville résonne dans ma tête car Charleroi, c’est le lieu des fugues de Rimbaud, d’un endroit l’autre ; des Ardennes frissonnantes et gelées au plat pays. En pinçant ses "poches crevées", le bel Arthur faisait rutiler ses vers dans son esprit, tout minot qu’il était, en tentant d’échapper à son triste sort. L’enfant-Satan a mis le monde a ses pieds, pour les siècles des siècles, mais lui ne rêvait pourtant que de le terroriser et de poignarder la littérature de son halo de poncifs, de consensuels mous, de mièvreux ergotant. Arthur Rimbaud n’avait que faire de ce bas monde, son ambition était d’oublier à volonté le royaume du vivant, sa floppée de courtisans, de briseurs d’élan et de remporter le combat des illusions perdues. Assurément rien de cela n’est enterré depuis 150 ans, ces préoccupations restent contemporaines et occuperont tous les nihilistes de tous poils, et ce peut-être, pour l’éternité. SPECTRAL DAMNATION devrait être fier d’arpenter quotidiennement les rues où A. Rimbaud s’est émancipé, mais je crois comprendre cependant qu’en énonçant ce genre de facéties, le groupe m’adresse des majeurs menaçants. Alors je vais m’en tenir au commentaire de la galette, avant d’en prendre une !

SPECTRAL DAMNATION a décidé de mettre de côté la douceur bucolique, les attentions délicates et les ambiances guimauves en bombardant sèchement l’horizon qui s’offre à lui. Pour dire vrai, l’album démarre rapidement sous le feu de ces hostilités. Le groupe a pris du service et en soldat exemplaire, chaque musicien mitraille aveuglement l’auditoire avec des munitions qui semblent infinies, comme sur "Serpent On A Cross". Le Black/Death Metal ainsi développé, est des plus sanguins et belliqueux. Outre en effet un blast incessant, les mélodies s’érigent pour potentialiser l’effet dévastateur des attaques, Elles sont appuyées par des nappes de claviers éparses et un chant clair subtil et ravageur ("Heylel Ben Shahar"), qui fait mouche lorsque la brute épaisse qu’est Gaetn le dégaine.

SPECTRAL DAMNATION s’amuse à étouffer l’auditeur en l’assaillant de toutes parts. On perçoit bien l’obscure stratégie du groupe qui s’épèle en quelques mots : le lâcher prise. Les vieux loups ont décidé d’envoyer un peu le pâté, en lâchant les chevaux de l’apocalypse. Et le résultat est bon, voir excellent sur certains titres, je pense à l’extraordinaire "The Grand Annunciator", habilement débridé de bout en bout où se côtoie le chant ravageur de Gaetn aux riffs insatiables. Une reprise de souffle est néanmoins possible grâce au mid-tempo temporaire de "Opaque Funeral", mais très vite, le groupe reprend du poil de la bête et atomise à nouveau les derniers restes neuronaux de l’auditeur. L’album n’est pourtant pas exempt de défaut, je note que quelques titres sont moins opérationnels, notamment " Out Of Control" et «Relics Ostension Ritual" qui me semblent moins inspirés.

Mefisto, à l’écoute de cet opus, aurait marqué au fer rouge le style de SPECTRAL DAMNATION du sceau de Death Impérial, tant le groupe semble être une horde affamée et dont la satiété resterait insatisfaite. DESOLATE SHRINE n’a qu’à bien se tenir, car si je retrouve quelques similarités, les belges lorgnent davantage vers une composante plus haineuse du Black Metal. SPECTRAL DAMNATION est une cavalcade qui rue vers une autre cavalcade, c’est une malice maléfique, un poison rempli de fiel et prêt à corrompre. C’est un chant de la nuit vociférant, dont la seule volonté serait de rameuter les derniers esprits crépusculaires à faire sortir le monde des morts au festin de la vie. Voyez la pochette, je vous prie ! Brrr…

Note réelle : 3,5/5.