Avec le récent décès de Dusty Hill, il apparaît aujourd’hui aussi improbable de voir ZZ TOP retrouver le chemin des studios que de se retrouver avec un nouvel album de PANTERA en mains. Wait… Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Si le bassiste n’était pas le membre le plus reconnu du combo texan, la complémentarité de son jeu avec celui de ses deux acolytes, ainsi que son grain de voix bien identifiable en faisaient un élément déterminant de la signature sonore de nos barbus favoris. Sans vouloir manquer de respect à Elwood Francis qui a pris son relais avec humilité, je ne suis d’ailleurs pas certain de le souhaiter, par respect pour le bonhomme. D’autant que Billy Gibbons n’a pas attendu ces évènements tragiques pour continuer à enregistrer des titres Blues Boogie Rock, en témoigne ce "Hardware" ma foi bien agréable.

Voilà donc déjà près de dix ans que "La Futura" et sa production labellisée Rick Rubin, est sorti. Le révérend Billy commence à avoir des fourmis dans les doigts et repart s’enfermer afin de donner une suite à "The Big Bad Blues", sorti trois ans plus tôt. Pour ce faire, il s’entoure de Matt Sorum (GUNS N’ROSES, The CULT, VELVET REVOLVER) avec qui il avait déjà travaillé par le passé, ainsi que d’un jeune guitariste, Austin Hanks. Et le résultat est relativement conforme à ce que l’on est en droit d’attendre d’un tel projet, tant au niveau du rendu que de la qualité, un ton au-dessus de son effort précédent, à mon sens.

On retrouve évidemment la voix rocailleuse du révérend, certifiée 100% Jack Daniels / Marlboro, ses leads de guitares délicieusement ancrées dans le Blues, ainsi que ce créneau musical qu’il connaît par cœur, pour l’avoir arpenté en long, en large et en travers depuis plus de cinquante ans maintenant. Les expérimentations latino de "Perfectamundo" parfaitement digérées, il se permet d’en resservir une petite couche de temps à autres sur l’opus, au-delà de l’évident "Hey Baby, Que Paso", cover de TEXAS TORNADO, revisitée à la sauce ZZ TOP évidemment, mais très respectueuse du matériel de base au demeurant.

Ce qui marque également, c’est la frappe de Matt Sorum, moins sobre que celle de Frank Beard. Si l’ancien Gunner n’officie pas non plus dans un style extraverti au possible, il apporte un peu de relief aux titres, ce qui permet également de différencier "Hardware" d’un album non-assumé des Texans. Au jeu des comparaisons, les chansons gagnent en variété et en nuances ce qu’elles perdent peut-être en groove, mais je tire mon chapeau au batteur pour avoir su apporter sa touche personnelle. Très investi dans le projet, il est d’ailleurs crédité comme coproducteur, compositeur de la plupart des pistes, et plus étonnant encore, c’est lui qui a enregistré certaines parties de basse de la galette.

Ce troisième LP solo contient son quota de tubes, de l’introductif et chaloupé "My Lucky Card" à la conclusion tout en finesse "Desert High". Sans temps faible (à part peut-être un "Spanish Fly" mou du slip qui peine à véritablement décoller), il permet surtout de profiter encore un peu de ce guitariste unique et ce son chaleureux de Gibson Les Paul majoritairement, adoubé par Jimi Hendrix himself. "Vagabond Man" ou "S-G-L-M-B-B-R" résonnent d’ailleurs comme autant d'hommages au regretté dieu de Seattle.

"She’s On Fire", pour le coup très ZZ TOP avec ses chœurs sur lesquels on croirait entendre l’ami Dusty, évoquera les belles années du trio, tout comme "More-More-More" et son beat Disco qui enchaîne dans la foulée. Quant à "West Coast Junkie", c’est, dans l’esprit, le morceau typique de l’ère tant décriée "Eliminator" / "Afterburner" / "Recycler" que j’avais plutôt goûtée pour ma part malgré ses excès électroniques. Je vous rassure cependant, point de cela ici, les effets cheapos étant restés dans les cartons afin de conserver un rendu plus naturel, à défaut de se montrer véritablement organique.

Enregistré sur un coup de tête en s’enfermant dans un studio perdu dans le désert californien, "Hardware" souffre malgré tout quelque peu des défauts inhérents à sa conception. Sans être à aucun moment désagréables, certaines tracks s’avèrent quelque peu génériques ("Shuffle, Step & Slide", "I Was A Highway", "S-G-L-M-B-B-R") et ne laisseront pas un souvenir impérissable, à moins d’être un die-hard fan de Billy et sa bande. Et quand bien même…

Jamais révolutionnaire, "Hardware" assure malgré tout un fan-service honnête et sincère, et offre suffisamment de compositions intéressantes pour mériter l’attention. Il permet surtout de profiter encore un peu de l’une des dernières légendes des années 70 encore en activité se montrant à la hauteur de son œuvre. Là où les autres ont soit passé l’arme à gauche, soit la date de péremption au vu de leurs récentes prestations (je ne citerai personne), Billy F GIBBONS poursuit sa route, le cigarillo au bec et le sourire au coin des lèvres. On en redemanderait presque !

Note réelle : 3,5/5.