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2023 Souveraineté Radiale

E.P

2022 Sola Fide

MORTE FRANCE - Souveraineté Radiale (2023)
Par T-RAY le 15 Avril 2023          Consultée 1894 fois

Frapper un serpent avec une canette de 8.6. Voilà qui n'est pas commun pour cet Héraclès statufié tout droit sorti de l'Antiquité. Certes, on buvait de la binouze à l'époque mais elle ne ressemblait en rien au déboite-clodo qu'on trouve chez n'importe quel Arabe-du-coin de nos jours, même aux heures les plus tardives. Reste que l'écoute de ce premier album studio de MORTE FRANCE, après le prometteur E.P. de 2022, ressemble à peu près aux premières gorgées de cette bière trop teintée d'éthanol pour être honnête. Ça cogne, ça désoriente et ça bouscule les idées. Passé les dix premiers centilitres, on est prêts à en découdre. BASTON !!! Baston, oui, mais avec qui ? Les serpents de la modernité et toutes leurs tentations vaines, superficielles et leurs valeurs diluées jusqu'à n'en plus distinguer aucune.

Avec ses allures antiques, en vérité, la pochette signée Immvables dit beaucoup du sens de ce disque et de son contenu. Son héros mythologique semblant se saisir d'un artefact contemporain combat le feu par le feu. Plus encore que sur "Sola Fide", dont le titre renvoyait à la foi du principal auteur-compositeur de MORTE FRANCE, Kval, la musique et les textes de "Souveraineté Radiale", en surfant sur des instruments éminemment contemporains, crachent toute cette haine de la modernité contemporaine. Pas celle de l'époque des Lumières mais celle, plus récente, issue du libéralisme dévoyé du siècle dernier, qui a fini par instiller l'idée que tout et surtout n'importe quoi se vaut. Et que tout particularisme nécessite d'être défendu au point de dissoudre l'indispensable lien commun. Une modernité qui exigerait d'être combattue ou/puis surmontée pour être dépassée et atteindre un nouveau cycle plus fidèle aux valeurs traditionnelles, dans le sillon de héros – au sens antique du terme – qui y seraient restés fidèles.

Que l'on partage ou non le point de vue de Kval, ancré dans la métaphysique de René Guénon et celle de Julius Evola (moins le discours politique louvoyant), force est de constater que cette vision des choses s'incarne à merveille dans ce Black Metal très direct et surtout très "riffu", la guitare étant le véritable driver de la musique de MORTE FRANCE. En cela, ce premier album ne trahit pas les promesses de l'E.P. qui l'a précédé. Kval SAIT riffer et il ne s'en prive pas, chaque morceau contenant sa part de hooks bien sentis. À peine les accords clean initiaux du morceau-titre se sont-ils effacés que le tremolo picking frénétique de Kval nous saisit à la gorge pour ne plus nous lâcher. Car il est pernicieux, le riff de "Souveraineté Radiale". Sous ses airs Black Metal assez classiques, il s'installe dans les esgourdes et s'instille dans l'esprit pour le dévorer de l'intérieur.

Ce premier longue-durée, qui ne paye pas de mine à première vue, est en réalité une succession d'earworms, comme le disent les anglo-saxons. Ses compositions se font une place confortable dans la caboche et pas besoin d'enchaîner trouzemille écoutes pour ça. Une véritable force qui permet de surmonter le relatif manque d'épaisseur de la production et le son de guitare un brin ténu lorsque la gratte n'est pas doublée. Si la batterie de Ghmur est mise en avant, il manque au spectre sonore le poids et le muscle de la basse de Taur, trop sourde, pour appuyer le tranchant des guitares. Ce qui donnerait aux textes de Kval encore plus d'impact. Mais cela n'enlève toutefois rien au potentiel d'accroche des morceaux. Car le bougre sait apporter la dimension sonore qu'exigent ses écrits dès qu'il pose sa voix dessus. Désarçonnante de prime abord, de par son côté plus crié (voire époumoné) et articulé qu'une voix Black™, intelligibilité des textes oblige, elle n'en est pas moins capable d'une belle diversité, versant ici dans le registre guttural et là, dans le hurlement déchiré.

Ainsi Kval fait-il de sa versatilité vocale l'une des trois armes majeures de MORTE FRANCE avec ses mots en français et ses riffs. Armes qui, conjuguées, révèlent une authentique capacité à hanter l'être tout entier de l'auditeur. Les deux minutes finales de "L'Âge Du Loup" et ces lignes de guitare qui les caractérisent sont l'un des moments forts de l'album, chargées d'émotions, parmi lesquelles la nostalgie, la compassion et la colère, bien entendu. Et que dire de l'enflammé "Sainte Géhenne" ? Extrêmement direct en cela qu'il ne développe sur aucune vraie sous-partie ni aucun temps mort, il montre à quel point le groupe sait être brutal, comme l'exige le titre du morceau. Mais le meilleur n'est pas là et doit attendre "Debout Au-Dessus Des Ruines" qui, lui, prouve que MORTE FRANCE a déjà beaucoup d'un grand.

Petit miracle de composition qui a tout pour lui, ce titre présente un nombre de riffs et de parties distinctes qui s'enchaînent à merveille, quel que soit le tempo adopté. Le refrain, interprété avec une force de conviction impressionnante par Kval, exalte toute la volonté de puissance et de triomphe qui sommeille en chacun de nous. Et l'archive sonore qui précède l'assaut final n'enlève rien à sa force, au contraire, agissant comme une respiration bienvenue après un tel sommet d'intensité. Honnêtement, depuis l'émergence de la pandémie de Covid-19 et de son cortège de confinements au cours desquels ce premier opus de MORTE FRANCE a germé, bien peu de morceaux de Black Metal français ou francophones se seront avérés aussi puissamment fédérateurs et, oui, exaltants que "Debout Au Milieu Des Ruines". À part le sublimissime "L'Ost Capétien" de GRIFFON, aucun ne me vient à l'esprit.

À tel point qu'il est difficile de passer après lui et qu'ardue est la tâche de conclure l'album, laissée à "Virtus Deificans" – au riff presque Black Médiéval sur le refrain – et à "Meurs Et Deviens". Malins, toutefois, Kval et ses acolytes ont su judicieusement construire et articuler la trackist, qui permet une véritable montée en intensité jusqu'à "Debout Au milieu Des Ruines" et un cheminement final vers une accalmie matérialisée par les mots de Gérard de Nerval, seules et uniques paroles de "Meurs Et Deviens". Ode à la postérité, ces vers issus du poème "La Gloire" concluent le disque élégamment et de façon plus romantique qu'aucun autre texte du disque ne le fait. Le moment charnière étant cet enchaînement entre l'incontournable "Debout…" et son prédécesseur direct "Chevaucher Le Tigre", instrumental très Indus/Noise où le bruit de la modernité couvre les chants de moines bouddhistes jusqu'à les rendre inaudibles pour de bon.

Fièrement dressé face à l'adversité, MORTE FRANCE a bel et bien confirmé, et largement, les promesses de "Sola Fide". Sans faire trop long ni avec trop de pompe. Ainsi, et s'il continue comme cela, quels que soient les serpents qui sifflent devant sa tête, le groupe ne devrait pas cesser de sitôt de revendiquer – avec talent – son antimodernité.

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   T-RAY

 
  N/A



- Kval (vocaux, guitares)
- Taur (basse)
- Ghmur (batterie)


1. Souveraineté Radiale
2. L'Âge Du Loup
3. Sainte Géhenne
4. Chevaucher Le Tigre
5. Debout Au Milieu Des Ruines
6. Virtus Deificans
7. Meurs Et Deviens



             



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