Chez NIME, on est tous super ultra connectés et, l’activation de notre canal Discord en est la preuve récente, tous fans pour utiliser les dernières technologies Interneto-connectées. Par opposition, ça veut dire que quand on emploie des moyens de communication plus traditionnels comme le téléphone, c’est généralement pour une super nouvelle (NIME passe en https !) ou parce qu’on a une vraie raison de gueuler…

Quand Jeff Kanji m’a appelé ce midi… ben c’était pas pour me parler protocole sécurisé !

"Hello Jeff, comment ça va ?
- Putain Haplo, tu fais vraiment chier ! C’est quoi ce bordel avec ta dernière Kro pour le "IV" de The BUTTERFLY EFFECT en nouveauté ??
- Ben, je…
- Ce truc est sorti dé-but-sep-tembre-2022 ! et c’est seulement maintenant que tu te bouges le c** pour poster ta kro ? Enfin, on passe pour quoi nous dans tout ça ? Les confrères vont bien se marrer et ils ont raison ! Tu pédales dans la semoule ma caille ! On se donne six (longs) mois théoriques pour écrire sur une sortie mais c’est pas pour publier le truc à l’arrache à la dernière minute, on n’est pas sur "x**.net" ici merde !
- Oui, mais je…
- Tais-toi et écoute ! Je me suis fait assaisonner par le Big Boss, parce qu’en plus, c’est pas la première fois que tu nous fais le coup ! Faut vraiment que tu te mettes à anticiper mon grand ! Qu’est-ce qu’il a donc de si particulier ce "IV" pour que t’ais mis autant de temps à pondre un truc là-dessus ?"

Nonobstant le fait qu’aucun autre webzine francophone n’ait à ma connaissance sorti une kro sur cet opus, mais pour être quand même franc avec toi ô lecteur attentif, c’est vrai que ne l’ai pas vu arriver et que je me le suis pris un chouïa dans l’œil ce "IV" des BUTTERFLY EFFECT ! Combo australien sauvageo-abrasif que je surveille pourtant depuis une petite dizaine d’années maintenant, cette formation sent bon la poussière et la chaleur plombante du grand Bush… Aussi, dès la sortie de leur premier-né "Begins Here" en 2003, ces sauvageons de Brisbane y impriment ce qui deviendra leur marque de fabrique : un Rock riffé, hargneux et sec comme un coup de trique mais qui sait également se ménager de chouettes arrangements mélodiques.

Cette capacité à savoir faire s’attendrir les tripes avec la délicatesse d’une masse d’armes est en outre personnifiée par un frontman dont la voix, même si elle ne peut être qualifiée d’extravagante, détient néanmoins une réelle capacité de tension et d’émotivité et semble ainsi capable de consumer instantanément toutes les vilaines impuretés que comporte notre vieux monde tout en menaçant de s’effondrer à chaque instant… L’étonnant Clint Boge se veut ainsi la clé de voûte de cette formation iridescente du bout du monde… Il sera également à l’origine de sa chute !

Ainsi, après le très convaincant "Imago" paru en 2006 par lequel les Australiens aiguisent leurs machettes en domptant cette énergie renversante, c’est le lumineux "Final Conversation Of Kings" de 2008 qui vient couronner une belle maturité artistique en parvenant à concilier la brûlure des riffs ou des mélodies à fleur de peau avec la caresse écorchée d’une voix unique (précipite-toi, si ce n’est déjà fait ô lecteur chanceux sur ces opus, sans oublier leurs kros respectives bien présentes sur ton Webzine préféré, ben voui !). Lancés à la vitesse d’une de ces comètes qu’on ne perçoit pleinement que dans le désert de l’hémisphère sud, les instrumentistes assistent alors médusés en 2012 à l’irréparable claquage de lourde d’un Boge préférant finalement ses addictions à la musique et qui envisage alors d’aller camper à vie dans le Bush pour headbanguer joyeusement sur des compos Punk/Hardcore une bouteille de sky à la main… La vie de château quoi ! Malgré quelques essais, forcément décevants, avec d’autres chanteurs, le combo n’y survivra pas et se sépare quelques temps après… Le papillon du désert est-il définitivement cloué par les ailes sous une jolie plaque de verre ? Heureusement non.

C’est fin 2017 que nos riffeurs australiens annoncent (enfin) la tant espérée reformation d’un The BUTTERFLY EFFECT doté de son chanteur incomparable des origines finalement revenu de son désert personnel et qui semble soucieux de se coller aux planches d’une belle tournée avant d’envisager un quelconque retour en studio… Le combo devra survivre à l’épreuve de la scène afin d’être digne d’enregistrer de nouveau ! Transpirant et jouant de nouveau ensemble, les musiciens de The BUTTERFLY EFFECT parcourent les shows du continent australien et retrouvent cette joie d’être réunis face à leur public… Clint ne se bat plus avec sa boutanche et l’on se met même à ressortir des cartons de vieilles compos écrites avant le clash de 2012, pondues dans la lignée de "Final Conversation Of Kings" et qui étaient même sensées figurer sur l’album suivant… Le quatrième bébé de la formation. Alors pourquoi ne pas se faire plaisir et l’enregistrer enfin ce foutu album ?

Mais c’est bien là que le bât blesse… car personne ne l’attend plus ce quatrième chapitre ; et pour en revenir à l’appel de Jeff, moi encore moins qu’un autre… à tel point que THE BUTTERFLY EFFECT, dont les riffs et les mélodies me donnent pourtant la chair de poule, ne figure pas parmi mes combos suivis en matière de sorties. Honte à moi ! C’est seulement par hasard près de cinq longs mois après sa parution que je constate ce loupé… "IV" m’est passé sous le nez malgré ses quatorze ans de gestation mouvementée : Bref, à la ramasse le Haplo !

"IV" n’est ni un album souvenir ni une tambouille commerciale faite pour tirer leurs dernières larmes et surtout leurs derniers dollars australiens à de vieux fans nostalgiques : C’est d’abord un groupe talentueux qui renaît de ces cendres et qui après quelques années de tournée dans l’immensité d’une île-continent renoue le dialogue avec son public pile-poil où il l’avait interrompu. The BUTTERFLY EFFECT, comme le vieux pote qu’on lâche durant plusieurs années et que l’on retrouve au détour d’une binouze comme si rien n’avait changé, nous offre son Rock dépouillé aux relents métalliques underground avec des figures de styles et une patte artistique n’ayant quasiment pas bougé : riffs touffus bien envoyés, arpèges saturés balayés, mélodies accrocheuses pour un style direct et efficace… Certes, les mauvais coucheurs, dont j’ai fait partie sur les premières écoutes il est vrai, pourront prétendre que les Australiens ont pris du bide… que leur art est légèrement plus rond, voire moins tranchant… C’est oublier que "Final Conversation Of Kings" avait déjà amorcé ce virage avec une musique plus nuancée mais pas forcément moins énergique. Parce qu’en matière d’énergie couplée avec une voix foutrement habitée, The BUTTERFLY EFFECT remplit dignement le job !

Clint Boge, relativement discret sur les premiers des dix titres au total qui arment "IV", retrouve rapidement sa gracieuse et si sombre tension vocale pour affermir ses commandes sur la musique du combo. Son énergie intérieure et l’émotion que transporte sa voix, puissante mais si fragile, rejoignent et s’allient aussi facilement et logiquement qu’il y a quatorze ans aux instruments de ses compères : comme s'il n’en était de rien, la grâce musicale opère de nouveau chez ces fichus Australiens ! Elle fonctionne d’ailleurs ici à plein régime pour des titres tant puissants qu’accrocheurs comme peuvent l’être le bipolaire "So Tired" et son couplet bien bourrin en opposition à un refrain purement mélodique ou encore le missile sol-air "Unbroken" dont les lignes rythmiques et mélodiques s’avèrent catchy à ravir… La mention spéciale devant selon moi revenir au magnifique titre de clôture, le très progressif et puissant "Visiting Hours", sorte d’achèvement mélodico-explosif que nous offre les Australiens au travers de cette balade ensorcelante finissant en apothéose tapageuse et tourbillonnante dans tout ce que le Rock Alternatif sait nous offrir de mieux… La classe !
Plus qu’un retour réussi, "IV" est surtout la cartouche que The BUTTERFLY EFFECT, victime de ses turpitudes internes en 2010-2012, n’avait alors pu tirer : c’est chose (enfin) faite aujourd’hui et qu’illustre cette belle pochette !

Assis en tailleur dans le sable brûlant du Bush australien je n’ai plus ni de whisky ni de clopes pour compter les heures qui me séparent de la nuit glaciale… J’attends un miracle… comme le passage du convoi de The BUTTERFLY EFFECT qui poursuit sa tournée pour fêter sa renaissance avec "IV"… j’espère qu’ils apercevront le 4/5 bien tassé que j’ai dessiné dans le sable roux et qu’ils excuseront ce (tout petit) retard !

- pour l’élan :"So Tired",
- pour la tête chercheuse :"Unbroken",
- pour la grâce :"Visiting Hours".