CHELSEA GRIN, ou le sourire de Glasgow… Tout un programme, imaginez par vous-même : l’acte consiste à couper les commissures des lèvres avec une lame, avant de frapper la victime violemment afin que ses cris déchirent les chairs de la bouche et créent ainsi des cicatrices permanentes sur le visage de la personne concernée. Outre la question qui me tarabuste (quel rapport entre Glasgow et Chelsea), cette pratique de sortie de pub britannique légèrement moyenâgeuse est bien réelle et ne relève d’aucune légende. Demandez donc à Chibs (Tommy Flanagan) de Sons Of Anarchy s’il pense que c’est de la flûte ! Bref, tel est le nom du groupe, et cela vous donne un léger indice sur le style prodigué par ses membres. Spoiler : on évolue assez loin de l’univers Progressif…

Maintenant que les présentations en bonne et due forme sont faites, votre sagacité étant sans égal (ou presque), vous aurez bien évidemment identifié que les Ricains œuvrent dans le Deathcore, un genre qui ne fait pas dans la dentelle mais qui a plutôt tendance à envoyer des rillettes sur les murs en moquette de chez votre grand-mère. Fondé en 2007, on peut considérer que la formation de Salt Lake City (quel drôle d’endroit pour faire du Metal aussi extrême, à moins que justement…) figure parmi les pionniers de seconde vague Deathcore, en compagnie de SUICIDE SILENCE, WHITECHAPEL et autres CARNIFEX. S’il n’est pas le lieu pour constituer un lexique Deathcore, il me semblait nécessaire de resituer le contexte auprès de nos lecteurs avant d’entrer dans le vif du sujet, d’autant qu’il n’est pas encore trop tard pour quitter cette chronique. Vous aurez été prévenus.

Quoi de neuf sur la planète violence en 2022, du coup ? Eh bien, plutôt du bon, je dois le reconnaître. À l’instar des cousins anglais d’INGESTED qui ont su louvoyer sans se renier, CHELSEA GRIN fait évoluer sa musique en l’enrichissant d’atmosphères soignées, à grand renfort de claviers et de Flanger ("Deathbed Companion"), et il est indubitable que l’expérience pour l’auditeur est plus aboutie et, il faut le reconnaître, plus intéressante. Notez que je ne sois pas contre un peu de brutalité gratuite. J’en discutais récemment avec mon collègue T-Ray et nous convenions du plaisir futile mais ô combien éphémère de se prendre de la colère en pleine tronche, la limite étant que ça pouvait vite saouler sur la durée d’un LP.

Si certains combos comme FIT FOR AN AUTOPSY ont fait franchement migrer leur univers vers d’autres enfers avec réussite, il est difficile aujourd’hui de défendre leur appartenance à la mouvance extrême, tant la musique devient accessible. Rassurez-vous bande de petits délinquants, ce n’est pas le cas avec "Suffer In Hell". Si vous êtes là pour la castagne, vous en aurez ! "Crystal Casket" et "The Isnis" représentent la frange dure des huit titres composant cet opus, tandis que "Flood Lungs" en illustre les aspects les plus atmosphériques, intégrant parfois même une dimension symphonique qui pourra également rappeler aux plus perspicaces d’entre-vous certains essais de LORNA SHORE.

À noter au passage le featuring remarqué (et non moins remarquable) du regretté Trevor Strnad (The BLACK DAHLIA MURDER) sur l’excellent "Forever Bloom", qui apporte un réel plus et lance la galette en seconde position sur des bases élevées et plutôt originales, bases qui ne seront malheureusement pas totalement tenues, en raison d’un manque de relief sur l’ensemble parfois monolithique. Faute de quoi, c’était le 4/5 sur ce coup-là !

La prestation proposée n’en reste pas moins plus que respectable à tous les niveaux. Tom Barber possède une jolie palette de chants extrêmes dont il fait usage sans modération comme c’est la tendance dans le Deathcore de nos jours. Si la section rythmique délivre la partition attendue pour ce type de Metal, le travail sur les guitares lead vient justement contribuer aux ambiances posées, évitant par la même une trop grande redondance entre les pistes malgré l’homogénéité ressentie. Du reste, la durée contenue (26 minutes) permet également de rendre digeste l’assaut sonore ici délivré.

À noter qu’il ne reste plus aucun membre formateur au sein de CHELSEA GRIN depuis 2018. Au vu de la boucherie dévoilée au cours de ces 26 minutes de plaisir mâtiné de souffrances, on peut comprendre que certains se soient fait la malle, d’autant qu’une seconde fournée ("Suffer In Heaven" bien entendu) est attendue pour dans quelques mois. J’aurais d’ici là eu le temps de reprendre mon souffle et de prêter attention à des projets plus cérébraux (ou pas). J’y retournerai donc avec plaisir et ne manquerai pas de vous faire un petit compte-rendu de cet exercice si casse-gueule du double-album-livré-en-deux-fois sur lequel tant de noms plus illustres se sont cassés les dents (GUNS N’ ROSES ou SYSTEM OF A DOWN pour ne citer qu’eux). Mais qui sait ? Stay tuned!

PS : Et pour faire rager les rageux, citons simplement Jake Harmond, ancien gratteux de CHELSEA GRIN : "Everyone likes to flap their jaw and voice their own opinion how "embarrassing" it is to be in a band that can be labeled "Deathcore", but honestly we have never given a fuck." Si ça, c’est pas du gars bien énervé, je ne m’y connais pas !