Un maelstrom Crustmetal Stenchcore porteur d'une haine incontrôlable, une colère enfouie sous nos villes dans le secret des égouts et la puanteur des décharges mais dont les battements de cœur résonnent sourdement comme des secousses à travers nos centres urbains, comme des tambours annonçant le réveil ou l'émergence d'une faim de vengeance, de justice ou de simple chaos, une faim d'une énormité à en dévorer le monde.

Le combo nom/titre/pochette est un message plus éloquent que cette chronique : à mi-chemin entre action et résignation, entre création et destruction, entre morbidité et vitalisme, l'énergie et la colère qui animent cette musique sont quelque chose d'implacable et de déterminé dans son irrationalité, comme un réflexe organique ou une routine mécanique, un mouvement nécessaire qui précède la pensée. Un feu qui brûle encore et trace son petit cercle de lumière en chassant l'avancée de l'inévitable ténèbre, le point final de l'humanité, le cri de détresse avant le rien du tout. "Rather be dead than alive by your design […] but i'd rather be alive!"

En pleine découverte un peu plus "sérieuse" des dérivés du Hardcore je n'ai pas encore le vocabulaire ou l'expertise nécessaires pour vous assommer avec mes obsessions généalogiques ou taxonomiques. Faites-vous à l'idée que ce texte ne vous apprendra rien de concret sur la nature ou l'histoire du Crust Punk ou du Stenchcore. Qu'il puisse y avoir D-beats et galops, Punk et Metal dans ce disque a bien peu d'importance et de poids lorsqu'il s'agit d'en décrire le contenu et l'expérience.

Qu'émergent de cette masse sale et protéiforme des riffs ou des patterns, cela ne suffit pas à décrire la sauvagerie d'un groupe-organe qui entraîné par sa force manque le temps juste un peu pour évoquer cette force de l'art brut mais, se recalant assez vite, rattrape la mesure juste à temps, comme on rattrape l'équilibre au dernier moment, en le suivant, ce temps, d'assez prêt pour ne pas dissiper cette énergie en efforts futiles et autres bruits thermiques. Évoquer le mot synthétiseur pour décrire ce brouillard glacial qui se pose sur les guitares comme sur un marais lugubre un mauvais soir de novembre est une absurdité, de même que séparer guitares, basse et batterie comme s'ils ne faisaient pas qu'un seul instrument, un seul corps tendu dans un mouvement imparfait et pourtant imparable.

Vous commencez peut-être à savoir que je viens et reviens toujours à cette tension au cœur de la critique qui me tourmente comme un meilleur ennemi. On dit finalement toujours à peu près la même chose toute sa vie, ou alors je suis le seul à autant radoter – on s'y fait. Cette tension c'est bien évidemment de décrire l'ineffable, de transmettre l'expérience intérieure et unique par le langage, un problème que l'on évite bien souvent parce qu'on a pas toujours le temps de faire face à des problèmes insolubles, comme ça, pour le plaisir.

Alors que démarre la charge finale de "Zamknięty Rozdział", il m’apparaît comme aussi certain que n'importe quelle vérité révélée, que "The Final Chapter" est un de ces disques qui m'aident à affronter ce problème, un disque qui pour quelques minutes en révoque jusqu'à son existence ou sa validité, un disque qui abolit la nécessité du langage ou du concept, un disque qui justifie que l'humanité ait existé un court moment pour pouvoir faire de l'art comme l'on érigea en mythe la tour de Babel en un poing levé vers le ciel froid et vide, un affront au pouvoir d'un Dieu absent et ingrat, un espoir fou et depuis prouvé maintes fois illusoire dans la capacité des hommes à construire quelque chose qui les dépasse et qui résiste au pouvoir infiniment cruel du temps, un des disques qu'on a le droit légitime et inaliénable d'appeler grand.