Connaissant le pedigree des différents musiciens qui composent ce groupe "made in Frontiers", il aurait été risqué de parier sur la pérennité de BLACK SWAN. Mais voilà que la formation américaine, visiblement satisfaite de l'accueil réservé à son premier album publié en 2020, semble décidée à remettre le couvert. DOKKEN semblant plus près de la retraite que de la résurrection, FOREIGNER ayant réduit ses activités, Jeff Pilson a semble-t-il décidé de se consacrer pleinement à ce groupe qui, s'il n'a encore donné aucun concert (mais est-ce là l'objet de son existence ?), propose deux ans après un "Shake The World" remarquable un second album encore plus abouti.

Enregistré et produit par Pilson dans son studio de Los Angeles, "Generation Mind" propose de sympathiques retrouvailles avec l'excellent chanteur Robin McAuley, le guitariste Reb Beach (WINGER, WHITESNAKE) et le discret batteur Matt Starr (Ace FREHLEY, MR. BIG). Laissant les choses là où il les avait laissées, BLACK SWAN se fait l'auteur d'un Hard Rock énergique, à la fois ramassé et puissant, et prenant le temps de déployer ses atouts (le chant, naturellement, de même que les envolées de guitare), les morceaux dépassant régulièrement la durée de cinq minutes. Plus encore que sur son premier album, le groupe fait preuve d'une cohésion impressionnante et d'un enthousiasme communicatif qui nous permet de savourer immédiatement cette douzaine de morceaux étonnamment tous inspirés.

Les années 80 avec un son actuel, voici en quelques mots comment résumer la teneur de cet album. Les musiciens, largement expérimentés, ont réussi à produire une musique intensément mélodique, à la fois fraîche et moderne, qui finalement ne sonne pas comme la somme des formations auxquelles ont appartenu les différents membres du groupe, mais possède une identité propre. Naturellement, la voix de Robin McAuley, impérial de la première à la dernière note, évoque les travaux du chanteur réalisés en compagnie d'un certain Michael Schenker dans le courant des années 80, tant son identité vocale est forte. Porteur de la même puissance et richesse mélodique qu'il y a trente ans, le chanteur constitue la touche finale, la cerise sur le gâteau et le diamant sur les pièces d'orfèvre qui nous sont ici présentées.

Il y a du riff, bien sûr, mais ces derniers sont un vecteur, et non pas une finalité. Car l'album propose son lot de morceaux audacieux, une qualité qui manque à la grande majorité des réalisations actuelles. Ainsi, jetez donc une oreille, ou plutôt les deux, sur "Long Way Down". Déjà mordant et raisonnablement agressif, porté par des guitares virulentes, le morceau se voit transfiguré sur sa dernière partie pour devenir un brûlot ravageur à la puissance dévastatrice. Voici le genre de titre qui offre un pont parfait entre les années 80 et notre époque parfois trop policée. Les morceaux les plus directs, s'ils savent se faire efficaces ("She Hides Behind", "Eagles Fly"), sont porteurs d'un Hard Rock pur jus, brut de décoffrage, qui fonctionne ici à la perfection. N'hésitant pas à se faire plus Blues sur des titres mid-tempo gorgés de feeling, le groupe signe avec un titre tel que "How Do You Feel" et ses intonations à la GREAT WHITE qui fonctionnent à merveille. Loin de la fatigue que l'âge de ses membres pourrait nous laisser craindre, BLACK SWAN défouraille et dépote, propose "Long Way Down", "Wicked The Day" ou "Generation Mind", d'irrésistibles manifestes Hard Rock qui nous laissent admiratifs autant que conquis.

Il n'y a guère que le plus poussif "Killer On The Loose" qui semble superflu sur cet album qui permet à Beach, Pilson et McAuley de brûler de mille feux. Les vieux fourneaux du Hard Rock retrouvent ici l'audace et la virtuosité fertile de leurs jeunes années, proposant une douzaine de titres faisant le lien entre les années 80 et 2020. Car quarante ans plus tard, les racines se font plus profondes, les ramifications plus nombreuses, mais l'essence du Hard Rock reste la même : BLACK SWAN en est la preuve bien vivante.