"Immutable". Immuable, qui ne change pas. Je pense d’emblée au péché, à notre nature faillible. Les époques passent, les civilisations s’éteignent. De nos jours, le progressisme, phare de la modernité, pense le vaincre. Pourtant, comme l’écrivait Bernanos, « il y a des morales toutes neuves, mais on ne renouvellera pas le péché ». Immuable donc, comme MESHUGGAH, dont le style est désormais clair, légendaire, référentiel. La qualité de leur discographie appelle le qualificatif. Immuable est le parcours des Suédois, habitués à tirer missiles balistiques sur missiles balistiques. Nombre de groupes rêveraient d'avoir une telle carrière. Pourtant, "Immutable" vient ironiquement briser cette tradition en restant trop sage et paresseux.

Disons-le clairement : on s’ennuie ferme sur "Immutable", c’est la donnée qui ne change pas. De "Broken Cog" à "God He Sees In Mirrors" en passant par "I Am That Thirst", on ne compte plus les titres sans génie, qui ne décollent jamais et qui traînent en longueur. MESHUGGAH recycle la plupart de ses gimmicks ; on a toujours connu leur son froid comme le givre, mais "Immutable" manque de ce supplément d’âme qui caractérisait les essais les plus cliniques du groupe. Ainsi, on sent la volonté des Suédois de tâter du côté de "Koloss". Ce maitre-étalon du Metal hypnotique, audacieux album consacré au thème de la surveillance et au Léviathan de Hobbes, est à mille lieux de "Immutable", qui le copie sans atteindre son caractère. Même "The Abysmal Eye", avec son solo final hypnotique, ne sauve pas un ensemble scolaire. Le riff final s’effondre en vol, dynamité par une production certes, solide mais sans grand dynamisme. Que dire enfin de "Ligature Marks", avec son début 'groovy', mais qui tourne au rond et s’achève dans l’insipide ?

Les rares moments durant lesquels MESHUGGAH tente d'expérimenter sont risibles. "Black Cathedral" est un sommet de nullité, interlude semi Black Metal sans intérêt. "They Move Below" donne le sentiment d’écouter ANIMAL AS LEADERS en plus pénible. Le riff se fait attendre, et quand il arrive, il est superbe, mais s’étouffe dans la longueur. Vous le comprenez désormais, "Immutable" alterne entre morceaux convenus et tentatives ratées. Reste "Phantoms", à la fin excellente, ou "The Faultless" avec des riffs dignes de ce nom. Ils se retrouvent néanmoins noyés lorsque l’album se clôture en un diptyque longuet et assommant d’ennui.

"Immutable" parait irréel tant il est loin de l’excellence habituelle de MESHUGGAH. Même "The Violent Sleep Of Reason", qui était moins bon que d’ordinaire, conservait une force de frappe et une cohérence. "Immutable" souffre non seulement de longueurs, de titres plats et d’une production trop lisse, mais aussi d'une absence de vision, de cohérence. Son titre appelait cependant un sujet passionnant et des expérimentations autres que celles proposées avec mollesse ici.