Il a pas pu s'en empêcher !!! Voilà ce que les amateurs de QUEEN qui arpentent le site doivent se dire. Le maniaque Jeff Kanji a encore frappé. Il faut dire qu'à l'image de l'éphémère réunion de membres des SEX PISTOLS avec Phil Lynott au sein des GREEDY BASTARDS ou encore du passage de Lemmy Kilmister chez les DAMNED, ou encore du SKID ROW de Gary Moore, j'ai toujours été fasciné par le cheminement artistique de nos stars fétiches. On évoque souvent SMILE, le premier groupe de Brian May et Roger Taylor, mais si l'arrivée de Freddie Bulsara en 1971 va être décisive pour l'Histoire de la musique, SMILE a tenté sa chance plus tôt avec un certain potentiel et une créativité déjà prégnante.

La publication de "Gettin' Smile" est bien opportune en 1982 à un moment où les différentes protagonistes sont au creux de la vague. Elle permet de revenir sur l'histoire d'un échec. Dans le swinging London, deux étudiants, l'un à l'Imperial College et l'autre au Ealing College of Art décident de monter un groupe. Le premier n'en est pas à son coup d'essai et arrivait d'un 1984 au sein duquel il avait fait la connaissance de Tim Staffell. Après quelques temps à reprendre "Knock On Wood" et Jimi HENDRIX, les deux décident de passer la supérieure et de fonder à leur tour le futur power-trio qui viendra prendre la relève de CREAM (entre autres). À cet égard, ils postent une annonce précisant rechercher un batteur dans le style Ginger Baker/Keith Moon, et font ainsi la connaissance d'un étudiant en école dentaire, mais dont les études ne sont visiblement pas la priorité. Il a une gueule d'ange, un charisme de rockstar, il s'agit bien sûr de Roger Taylor. Si Brian et lui ne s'entendront jamais tout à fait, leur complicité artistique, elle, sera déterminante.

Leurs voix notamment se mélangent admirablement. Ajoutez à ça celle de Tim Staffell à fleur de peau et enjôleuse, auréolée d'un jeu de basse proéminent à rendre Jack Bruce fier, SMILE avait a priori quelques atouts à faire valoir. Il existe encore des photos d'époque où l'on peut voir les trois étudiants arborer le sourire de la pochette en guise de masques, ce qui avait un effet visuel assez saisissant (quant à savoir si c'était chouette on évitera de se prononcer). Au niveau du son, le groupe a aussi un truc. Son guitariste a fabriqué sa propre guitare avec son père Harold, et a depuis peu trouvé LE son qu'il va conserver tout au long de sa carrière.

Nous sommes à une époque où tous les groupes se retrouvent notamment au Marquee où le gratin des formations Blues Rock se produit et est amené à connaître une belle carrière. SPOOKY TOOTH (dont JUDAS PRIEST reprendra le "Better By You, Better Than Me"), FREE bien entendu, qui prend son envol aussi vite qu'il s'effondre, mais produit beaucoup en l'espace de deux ans, ou encore TASTE. Brian May, tout comme Hendrix (dont il est également ultra fan et qui transformera sa vision, tout comme Freddie, qui de son côté passait son temps à le dessiner et le reprendre avec WRECKAGE) sont en admiration devant le jeu de Rory Gallagher, qui jouit déjà d'une belle réputation avec TASTE. C'est de lui que Brian tirera le combo gagnant Vox AC30 et booster d'aigus si caractéristique du son QUEEN, au moins autant que la Red Special. Après sa rencontre avec Rory, il se précipitera dans le premier magasin proposant un AC30 pas trop cher.

La chance finit par sourire à SMILE qui signe un contrat discographique après un an et demi à écumer les clubs et les fêtes scolaires. Il enregistre alors ce qui aurait dû constituer un premier album intitulé "Earth". C'est également le titre du morceau qui semble avoir le plus de potentiel, et il est décidé de le sortir en 45-Tours. C'est le moment fatidique pour SMILE. Hélas le succès n'est clairement pas au rendez-vous, et le groupe ne s'en remet jamais totalement, flottant quelques mois avant que Tim Staffell ne se décide à rejoindre HUMPY BONG, qui ne connaîtra pas plus de succès.

Tim Staffell, dans son malheur, et pour le bonheur des kids des années à venir, est en coloc' avec un autre élève de sa fac qui rêve de devenir célèbre, dissimulant mal une timidité maladive derrière une arrogance et des airs de prima donna qui le rendent aussi attachant que pénible, ce dernier c'est Fred. Farrokh, devenu Freddie après le rapatriement express de la famille Bulsara dans la banlieue londonienne, qui est encore loin vocalement du Freddie Mercury que l'on connaîtra. Par ailleurs, Brian et Roger trouvaient qu'il ne chantait pas forcément très bien à l'époque, et ont longuement hésité avant de donner une nouvelle incarnation aux cendres de SMILE. La suite fait partie de l'histoire.

Et ce qui fera la différence finalement c'est cette grandiloquence, cette personnalité marquée et ce sens du spectacle, trois atouts que n'avait pas SMILE. Le potentiel était certes là, mais derrière ces belles triades vocales ("April Lady", "Earth") et ce son de guitare original (on repère déjà des plans que Brian réutilisera plus tard pour "Brighton Rock" ou "Son And Daughter", il n'y avait hélas pas grand-chose qui permettait à SMILE d'apporter vraiment un petit plus sur une scène déjà bien remplie et les membres de FREE, de la même génération qu'eux, avaient déjà fait mieux et proposé une expérience live suffisamment saisissante pour marquer les esprits. Reste que ces six compositions sont cinquante ans plus tard agréables à l'écoute, doucereuses, bien jouées, et intéressantes pour les mordus de QUEEN qui pourront évaluer ce qui séparait les deux entités en comparant les versions de "Doin' Alright".

Un mot aussi sur ce support. "Gettin' Smile" est sorti en 1982 chez Mercury (donc tout ce qu'il y a de plus officiel en fait) mais avec des informations incroyablement erronées. "Ghost Of A Smile" sorti en 1997 en a proposé des versions remasterisées et supervisées par Tim Staffell. Personnellement c'est cette version que je vous conseille.