Je suis d'accord avec DP-WT. Cet album est une bombe. Comment a-t-il pu passer sous les radars ? Il peut y avoir hélas de nombreuses explications à cela. Tout ce qui compte et qui fait la spécificité et l'aura de ce "Soliloquy", c'est le fait qu'il diffère pas mal de l'éponyme "Teodor Tuff" (ce nom !) du fait d'un profond changement de personnel avec l'arrivée en force de la famille Harøy ! Les frangins Rayner et Christer, déjà actifs au sein de leur DIVIDED MULTITUDE (dont Haplo a commencé à vous conter les qualités et les défauts), et rejoints par leur jeune cousin de vingt et un ans Terje. Terje, on entendra parler de lui par la suite, puisqu'il va trois ans plus tard intégrer PYRAMAZE avec lequel il poussera encore plus loin les énormes qualités qu'il développe déjà sur "Soliloquy". L'après "Soliloquy" explique aussi peut-être le relatif anonymat dans lequel ce deuxième album est sorti. Tout aurait peut-être été différent si ses membres ne s'étaient pas auto-sabordés en se renommant CROSSNAIL en 2014 pour donner dans le Hard Rock ! Rejoignant par bien des aspects leurs premières inspirations, plus Hard effectivement, avec un côté délirant qui n'est pas sans rappeler EVIL MASQUERADE.

"Soliloquy" ne semble donc clairement pas voler son titre. Car tout seul dans son coin (il avait pourtant peu de concurrence cette année-là hormis ses compatriotes de CIRCUS MAXIMUS), ce disque va révéler bien des trésors, parfois servis par une palanquée d'invités tous plus efficaces les uns que les autres. Que ce soit ce quintette vocal qui s'arroge le premier titre "Godagar", Ida Haukland la redoutable vocaliste de TRIOSPHERE, qui vient croiser les cordes vocales sur deux titres, ou encore cette voltige guitaristique par enchaînement solo orgiaque sur le festif "Heavenly Manna" où se succèdent Tonje Harøy (c'est qu'ils sont nombreux bordel !), Martin Buus (MERCENARY, c'est le collègue Jacob Hansen qui est aux manettes : pratique, tant qu'à faire il pose quelques chœurs), Jeff Waters (oh putain ça monte d'un cran) pour s'achever sur une saillie prodigieuse de Matthias Eklundh (FREAK KITCHEN). Et en plus le quintette s'offre les services de non pas un mais deux claviéristes selon les titres pour compléter ses compositions, dont celui des copains de DIVIDED MULTITUDE.

Doit-on trouver ou chercher des similarités stylistiques pour se repérer ? Disons que le choix d'Ida Haukland semble couler de source (d'autant que Christer a fait partie de TRIOSPHERE, qu'il a quitté juste avant son premier album) tant on retrouve ce chant engagé (et du côté des textes ça parle pas de la pluie et du beau temps, entre critique acerbe de l'administration Benoit XVI avec l'affaire de l'évêché de Trondheim et réflexions métaphysiques souvent bien plus sensées que l'on serait tenté de le penser (notamment le magistral "The Last Supper" qui ressemble à une course à travers le temps et l'espace, le point de vue d'un psychotique ou encore la folie pure, le texte est absurde, c'est du génie).

La tête pensante du groupe, Knutt Lysklætt, tire parfaitement partie des qualités des musiciens qu'il a auprès de lui sur ce deuxième album, s'échinant à proposer à la fois des morceaux accrocheurs, bardés de surprises, efficaces, subtils et puissants. Oui tout ça à la fois. Il s'en dégage un côté Opéra Rock que ne renierait pas Jon Oliva mais sans ce côté complètement éclaté de l'Américain. Terje Harøy s'affirmer d'emblée comme une recrue de choix, et pour ceux qui l'ont découvert comme moi sur le "Disciples Of The Sun" de PYRAMAZE, vous retrouverez vite vos sensations. Et le riffing de Knutt est incroyablement bien torché. Le nombre de riffs qui vous donnent envie de vous démonter les cervicales est assez dingue. Ce mec est biberonné au ZEP, à BLACK SABB' et consorts, en sus de son amour pour son compatriote GRIEG, et ça s'entend.

Soliloque : discours d'une personne à elle-même, nonobstant le monde qui l'entoure, comme l'affiche fièrement la page d'accueil du site des Norvégiens, qui permet, outre la découverte des morceaux en audio, d'avoir accès aux paroles des morceaux pour renforcer l'immersion. "Soliloquy", second et ultime album a priori des Norvégiens de TEODOR TUFF, est une perle de Metal Progressif, hyper accrocheuse et gavée de surprises, et pourtant incroyablement équilibrée. Un must de 2012 qui mérite plus qu'une réhabilitation.