Pour qu'un disque de Thrash/Black fonctionne, outre l'indispensable omniprésence des riffs, il doit absolument compter sur une vélocité à toute épreuve et sur une atmosphère à réveiller les morts. Disons qu'il s'agit là d'une sorte de minimum syndical, garantissant à un album du genre de décrocher ses trois étoiles sur NIME. Pour qu'il parvienne à en glaner davantage, en revanche, il faut un petit truc en plus qui s'appelle le talent. Celui des compositeurs et interprètes de l'ouvrage, en l'occurrence, et de ce côté-là, les Wallons de SLAUGHTER MESSIAH ne sont pas dépourvus.

Ils sont, en outre, dotés d'un souci du détail qui fait qu'il leur a fallu douze ans, depuis la formation du groupe, pour sortir enfin un premier album conforme à leurs exigences. High Roller Records, qui s'y connaît en Metal qui "speede", leur a fait confiance pour produire le présent "Cursed To The Pyre". Et parce qu'il fallait quand même offrir un petit quelque chose de familier aux amateurs de Thrash/Black pour leur faire plonger la tête la première dans ce torrent de guitares acérées et de reverb démoniaque, la formation belge s'est offert les talents d'illustrateur de Rok, célèbre hurleur de SADISTIK EXEKUTION et auteur de toutes les mémorables pochettes du gang australien.

Empaqueté avec autant de soin, "Cursed To The Pyre" ne pouvait que déborder d'arguments pour convaincre tout Thrash/Blackeux qui se respecte de l'écouter. Et, compte tenu des qualités citées en préambule de cette chronique, de l'apprécier fortement. Parce que voici un disque qu'il est bien difficile de retirer du lecteur, une fois lancé. Furieusement emmené, aux cordes vocales et de basse, par un Lord Sabathan qui n'est autre que le frontman originel d'ENTHRONED, SLAUGHTER MESSIAH emporte rapidement le morceau. Et la malice contenue dans les saillies de Sabathan au micro ne sont que l'un des éléments qui font de ce premier L.P. un disque emballant.

Si l'on reprend les choses dans l'ordre dans lesquels je les ai citées, les riffs, d'abord, sont de qualité et foisonnent sur "Cursed To The Pyre", tant et si bien qu'il n'y a pas un seul morceau qui n'en contient pas au moins deux. Y compris les titres les plus brefs, comme "Pouring Chaos", qui ajoute au riffing Thrash très teuton qu'adopte le groupe un riff bien Death Metal et ce, d'entrée de jeu. En trois minutes et une quarantaine de secondes bien tassées, cette petite grenade à fragmentation est peut-être l'une des meilleures cartes de visite de SLAUGHTER MESSIAH, de par sa concision, sa variété et son efficacité immédiate.

Mais en vérité, SLAUGHTER MESSIAH s'en tient rarement à des durées inférieures à quatre minutes et trente secondes, et dépasse régulièrement les cinq minutes, jusqu'à atteindre les six minutes par deux fois. Ce qui peut paraître beaucoup, énorme, même, pour du Black/Thrash dont on attend toujours qu'il fasse l'effet d'un coup de trique : bref et cinglant. La formation belge prend à contre-pied cet attendu et s'en tire avec les honneurs à de nombreuses reprises. Même lorsque c'est long, c'est bon, comme en témoigne l'enchaînement de "From The Tomb Into The Void" et "Mutilated By Depths". Deux morceaux qui, séparés par trois fois rien sur le plan auditif, acquièrent une apparence de diptyque ou les riffs, les soli et les tempi varient régulièrement et avec bonheur.

Le long mais encore bon "Hideous Affliction" le prouve une fois encore avec une section de près d'1'30" au cours de laquelle SLAUGHTER MESSIAH ralentit considérablement la cadence jusqu'à un ultime solo languissant pour redémarrer la machine. Une belle atmosphère occulte se dégage de l'ensemble. Il faut dire que la production, Heavy à souhait et offrant une bonne dose de reverb (quoi, j'l'ai déjà dit ?), aide bien la musique des Belges à se draper dans une ambiance de caveau. Et ce, même sur les morceaux les plus directs et francs du collier de l'album, comme l'assez addictif "The Hammer Of Ghouls", Thrash jusqu'au bout du médiator et doté d'une deuxième partie moins rapide mais non moins percutante.

Nous serons bien entendu d'accord pour relever que l'art de SLAUGHTER MESSIAH ne brille pas par son originalité, mais dans un genre aussi inamovible que le Thrash/Black, la première offrande des Wallons nous permet de replonger dans des sonorités qui paraissent ne pas avoir bougé en près de trente ans, renvoyant à une époque où distinguer Thrash Metal et Black Metal était encore difficile et où la tempête norvégienne n'était pas encore venue tout balayer. "Cursed To The Pyre", c'est un disque à l'ancienne mais avec ce qu'il faut de recherche dans la construction des morceaux afin de forcer la réécoute et ne pas donner dans la redite. Beau travail.