Non ceci n'est pas un album de Metal. Ceci n'est pas un album de Pop comme les autres non plus.

POPPY, à la base chanteuse YouTubeuse, adolescente "avec un rêve", a aujourd'hui fusionné en concept transmedia aux contours flous. Sur son actuelle chaîne, on la voit en personnage à la rigidité robotique, avec une voix fluette propice à l'ASMR, entre la petite fille à Papa sympathique et l'androïde sous anti-dépresseur, qui monologue quelques brèves banalités accompagné d'une nappe de clavier Lynchienne pas toujours des plus rassurantes, jusqu'au prochain "log". Absorbée par son image, elle est une sorte de happening contemporain constant, dystopie post-moderne et miroir ironique (cynique ?) de la culture des influenceurs, autant qu'une blague décalée qui a au moins le mérite d'éveiller l'attention (on parle de millions de vues sur le tube pour une vidéo où elle dit bonjour pendant dix minutes).

Plutôt "upbeat" et sympa sur ses premiers albums, empruntant à l'univers virtuel fantaisiste de la J-Pop autant qu'aux synthés de GRIMES, POPPY a progressivement ajouté à sa musique des égarements plus sombres ou "Horrorcore", et occasionnellement des guitares saturées et des touches d'agressivité cohabitant avec un univers lapin malin et barbe à papa comme autant d'inquiétants glitches dans la matrice. L'EP "Choke" introduisait déjà des basses dégueulasses et des ambiances horrifiques, preuve que Poppy était déjà sur la pente du déraillement de l'idole qu'elle avait créé dans son premier album (ou qui lui a été créé (*)). "I Disagree" concrétise un "divorce" avec son créateur (un mec dont le prénom est Titanic, oui oui) et semble vécu (ou "mis en scène", ou l'un et l'autre) comme le réveil douloureux d'une divinité plastique à un monde moins rose.

"Concrete" ouvre le bal en toute schizophrénie, entre bruit d'alarme, bulles de savons J-Pop, break avec growls et guitares pesantes et gentille incartade "Vaporwave". Il y a un bug dans le programme et pourtant le chant crée une intéressante illusion de cohésion.

Le metalhead moyen (mais ouvert d'esprit hein) pourra se mettre sous la dent un titre comme "Anything Like Me" qui oscille entre le "Equal Rights, Equal Left" d'OTEP trempé dans la Trap et le "Pretty Like Drugs" grungy de QUEEN ADREENA. Mentions spéciales à "Bite Your Teeth" qui intercale du RN'B lounge entre deux riffs neo-metallesques et un bass drop screamo, ainsi qu'à "Fill The Crown" aux couplets Indus doublés par une voix MANSIONienne qui invite un refrain léger appelant à l'émancipation : "You can be anyone you want to be / You can be free / You can be free". Le truc bateau, en somme… À cela prêt qu'une certaine noirceur les rattrape de manière quasi-systématique, des premières lignes de "Concrete" ("Bury me six feet deep") aux dernières lignes de "Don't Go Outside" ("We’ll be safe and sound when it all burns down."). À ce titre, je pense être assez amoureux de la résignation très lounge et légère de "Sick Of The Sun" et de "Don't Go Outside", titre final qui clôture l'opus par un canon des refrains de l'album, comme un message d'espoir et d'apocalypse entremêlé, qui a au moins le mérite de proposer un discours de crise d'identité assez unique dans l'univers Pop actuel.

Bref, une oeuvre originale, intrigante et accrocheuse, intelligemment articulée entre différents genres, mais n'étant jamais plus que la somme de ses parties. Un peu court et pas non plus affolant au point de crier au génie, "I Disagree" nous sort de notre torpeur et envisage une multitude de directions franchement intéressantes quant à l'instrumentalisation du Metal dans la Pop.

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(*) Il y a effectivement une partie assez "feuilleton de tabloid" dans cette histoire, comme POPPY s'est séparé de son producteur et compagnon, qui aurait créé le personnage de toutes pièces. Il est évident que les paroles de l'album croulent sous les références à cette volonté de réappropriation de son avatar, alimentant aussi le spectacle médiatique.