On a sucé les univers de Tolkien et de Lovecraft jusqu'à la moelle. Que reste-t-il à l'imaginaire des Metalleux pour aller bâtir leurs odyssées fantastiques ? Oh certes il reste masse d'auteurs, y compris dans la fantasy (Michael Moorcock ne cesse de fasciner par exemple), mais la nouvelle génération aura-t-elle les mêmes modèles ? Rien n'est moins sûr même si tous ces auteurs resteront je l'espère intemporels, ce média n'aura plus l'exclusivité. J'en veux pour preuve tout ce que l'univers autour de My Little Pony peut produire, ou encore les groupes de Heavy qui commencent à s'inspirer de Game Of Thrones (les bouquins dans le cas de SEVEN KINGDOMS) ou encore le petit nouveau MASTER SWORD qui prend sa source dans l'univers de Zelda (si je suis motivé je vous en parlerai peut-être).

Mais si vous avez cliqué sur cette pochette colorée (et fort réussie par ailleurs), j'imagine que ce n'est pas seulement pour satisfaire votre besoin insatiable de nouveautés, mais aussi pour le nom du groupe ! GRIMGOTTS. Même si beaucoup m'auront déjà répondu par un regard entendu, je précise pour les béotiens : Gringotts est le nom de la banque des sorciers dans l'univers créé par JK Rowling et adapté avec succès au cinéma : Harry Potter. Et oui ! Vu l'importance du phénomène dans la Pop culture des années 2000, il est même presque étonnant que personne ne s'y soit consacré avant ! En réalité, après vérification, il commence à y en avoir quelques-uns, de la Pop Rock au Punk… Et en très grande majorité anglais ou américains.

GRIMGOTTS est ainsi le premier rejeton Power Metal à ma connaissance à s'inscrire dans cet imaginaire. Précision toutefois, le groupe n'appartient pas au microcosme Wizard Rock ou Wrock. En effet, j'étais presque déçu au départ, mais GRIMGOTTS emprunte surtout son nom à l'univers (dont il s'est assez vite éloigné) œuvrant dans une fantasy beaucoup plus classique. Bien sûr ce sont des Anglais (what else?) et ils savent quand même jouer a priori. Une fois l'album lancé, je me suis rendu compte que ce Power Symphonique sans prétention s'avérait plutôt agréable. Beaucoup même. C'est cheesy au possible (les claviers), avec un petit côté GLORYHAMMER (particulièrement sur "The King Under The Sea") mais sans la Nintendo DS. Les cuivres pseudo-épiques rappelleront de bons souvenirs aux fans de FREEDOM CALL (en particulier sur "Turning The Tide") et l'équilibre des ingrédients du Power Symphonique expliqué aux personnes âgées est parfait.

Un des meilleurs exemples concerne le chant. Andy Barton (fondateur du groupe) n'est clairement pas le plus grand vocaliste de l'Histoire du Power Metal. Mais cette simplicité avec laquelle il interprète les nombreuses mélodies soignées de "Dragons Of The Ages" joue grandement en sa faveur. Et cela rejaillit sur tous les autres aspects de la musique de GRIMGOTTS qui sait gérer les nuances avec maîtrise ("The Last Dragon Warriors"), utiliser au mieux des claviers qui n'ont pas la prétention de remplacer un orchestre symphonique (le fameux parallèle avec FREEDOM CALL que j'évoquais plus haut). Mais il y a aussi cette théâtralité qui voit plusieurs vocalistes et types de voix intervenir régulièrement ; du chant féminin (sur deux titres), des harmonies vocales ou des chœurs scandés, voire du chant extrême, et cela fait énormément de bien aux morceaux, le tout largement éclairé par l'emploi de tonalités majeures.

Avoir l'art et la manière, c'est un peu ce qui caractérise GRIMGOTTS sur ce deuxième album (après un chapelet d'EPs) qui peut profiter de l'usage à bon escient des capacités de chacun, en particulier de Mo Abdelgadir qui distille des rythmes parfois complexes allant jusqu'au blast beat. Ah non ils n'ont pas mis du Metal Extrême avec des dragons quand même ? Ben non ! Une technique de jeu ne réussit quasi jamais à imposer un style (même le D-beat ne suffit pas à qualifier le Punk Hardcore), et il s'agit de rester musical. Et cet album de GRIMGOTTS jouit d'une grande musicalité, ce qui rend son écoute répétée aussi agréable je pense. En tout cas une très belle surprise dont je n'arrive pas à me lasser et qui me laisse curieux de découvrir les autres travaux du groupe anglais. "Dragons Of The Ages", sans se la péter, mérite plus que les honneurs et si ma chronique peut attirer quelques oreilles sur cette petite trouvaille underground enfin disponible au format cd depuis septembre, j'en serais jouasse !