Je ne suis pas un musicien. J’adore la musique, j’en bouffe des kilomètres, pour offrir une image simple, comme tous ceux qui fréquentent Nightfall, dans l’équipe ou comme lecteur. Mais je suis incapable d’aligner deux notes sur n’importe quel instrument. J’ai essayé la guitare et j’ai constaté avec amertume que j’étais doué pour sortir des trucs bruitistes que je suis incapable de reproduire la minute d’après alors que je vendrais père et mère pour avoir le touché de Brian May. Même le triangle devient dissonant entre mes doigts. Aussi, parler d’un disque entièrement instrumental, ce n’est pas gagné de prime abord. Pour tous ceux qui aiment la technique, les bends et tous ces trucs qui pour moi sont compliqués à expliquer, attendez la kro-express de Jeff Kanji ou de Dark Schneider. Vous pouvez donc vous arrêter là. Pour les autres, qui veulent savoir si ce disque est écoutable, quand le simple fait d’approcher une guitare suffit à ce qu’elle prenne feu peuvent donc poursuivre la lecture de cette chronique du premier album solo de Nita STRAUSS.

Nita STRAUSS a commencé à faire parler d’elle sous le nom de Mega Murray, quand elle jouait au sein des IRON MAIDENS, avant de voir sa carrière prendre un tournant intéressant quand elle a rejoint le casting live de ALICE COOPER, avec qui elle s’amuse comme une folle. Pour avoir assisté à un show devant elle, elle prenait clairement son pied à s’exprimer sur tous ces classiques du Hard Rock et à jouer la comédie quand les frasques de Sieur Furnier l’exigeaient. À présent, elle se lance en solo, sur un disque entièrement instrumental, ou le genre d’exercice qui peut vite devenir chiantissime pour les non-musiciens ou pour ceux qui ont besoin de chant pour vivre pleinement la musique.

La jeune femme n’est pas de l’école MALMSTEEN, elle n’aborde pas le néoclassique comme le fait le Suédois, avec plus ou moins de bonheur ces dernières années (son premier album reste à ce jour mon préféré, mais on s’en fout). Et elle n’a pas l’approche démente, voire loufoque d’un Steve VAI sur "Passion And Warfare". Non. La Nita, elle va plutôt se montrer brute de décoffrage, avec une vision volontiers Heavy Metal de la musique instrumentale. Et c’est là qu’elle devient franchement intéressante pour ceux qui ne peuvent pas toucher une guitare sans la faire hurler de douleur et qui en souffrent. Parce que "Controlled Chaos" porte merveilleusement bien son nom, parce que tout est agencé pour que n’importe qui puisse la suivre dans son univers, en se montrant bien millimétrée, en jouant des titres concis qui permettent de rester concentré dessus et de ne pas se perdre.

Alors la belle va osciller en fonction de ses envies entre du Heavy pur jus ("Alegria", "The Stillness At The End"), des titres aux relents plus Thrash sans pour autant jouer dans la cour des SLAYER ou autres KREATOR ("Our Most Desperate Hour", "Mariana Trench") ainsi que des morceaux plus nuancés que l’on considèrera sans problème comme des ballades ("Here With You", "Hope Grows"). Mais là où elle fait un travail remarquable, c’est que l’on image assez facilement des paroles sur ses compositions. L’exemple le plus flagrant reste bien sûr sa très jolie reprise de "The Show Must Go On" de QUEEN, où l’on se surprend à fredonner. Son interprétation est limpide et sa guitare suit particulièrement bien les lignes de chant de Freddie Mercury, ici absent. Et c’est également le seul morceau où Nita va donner la répliquer à un autre musicien de façon claire, avec la violoncelliste Tina Guo.

Mais donc, il y a cette possibilité d’imaginer des paroles possibles, de songer à un chant de façon assez précise, qui rend son travail incroyablement vivant. Cela ne l’empêche pas de se montrer plus démonstrative par moments, bien sûr (l’effréné "The Quest"), sinon où serait le plaisir pour la guitariste de ne pas en mettre de temps en temps plein les oreilles ? Cependant, elle reste relativement abordable et ce n’est pas une mince affaire dans ce style. On peut regretter que la batterie soit par moments trop envahissante, ou manquant totalement de finesse, mais globalement, la maîtrise instrumentale est là et elle n’est pas stérile, comme c’est trop souvent le cas dans le genre. Et si parfois elle semble s’oublier un petit peu, proposer des plans pas toujours faciles à suivre, on peut lui pardonner car ils sont rares.

En revanche, il y a un truc de vraiment dommage sur "Controlled Chaos", ce sont les deux ballades, qui n’apportent pas grand-chose à l’ensemble. Certes, cela permet de souffler un peu entre deux déflagrations. Elles manquent de ce que l’on pourrait appeler de la profondeur. Elles ne dégagent pas grand-chose et elles apportent encore moins à l’ensemble, sinon deux coups de mou dont on se serait bien passé. Là, vous verrez, Jeff et Dark Schneider vont vous dire « mais non, techniquement, c’est trop bien ! ». Bref. Peut-être que des passages à la guitare acoustique auraient été plus intéressants, parce qu’elle manque un peu sur ce disque.

En définitive, on tient un bon petit disque de Metal instrumental, qui s’adresse au plus grand nombre, pas simplement aux « initiés », c’est-à-dire à ceux qui savent jouer d’un instrument et qui prennent plaisir à disséquer note après note chaque composition pour pouvoir la reproduire (et ceci n’est pas une critique, chacun vie sa passion comme il l’entend. Moi, c’est en vous cassant les c… Pieds avec des chroniques). Ce disque n’est pas stérile, dans le sens où ce n’est qu’une branlette de manche inconsistance (là, Jeff et Schneider vous diront peut-être que si, mais bon), on se surprend rapidement à comprendre les trames, voire à fredonner des trucs inconsistants dessus. Et là, la belle a réussi son pari.