Dans la famille « ARCTURUS », j’appelle le cousin par alliance. C’est à peu près comme ça que je placerais ABERRANT VASCULAR par rapport à son célèbre parent, qui changea la donne dans l’avant-garde du Metal en son temps. ABERRANT VASCULAR le regarde briller dans ciel et rêve de l’y rejoindre, sans toutefois nourrir le véritable désir d’y parvenir. Il s’agit plutôt d’une aspiration, d’un but lointain servant de repère au milieu d’un univers musical bouillonnant d’évolutions. C’est ainsi quinze ans après la légendaire "Masquerade Infernale" qu’un petit groupe de Finlandais décide de remettre le grotesque à l’ordre du jour avec un disque qui, s’il n’a rien de bien original, aura le mérite d’agréablement vous distraire.

"Aegisthus", du nom de l’amant de Clytemnestre, co-meurtrier d’Agamemnon, est un album amusant – plus que le personnage dont il tire son nom. Musicalement proche d’un "The Sham Mirrors" d’ARCTURUS en version lente, il combine Metal et électronique dans une ambiance théâtrale assez familière. Le chant est clair, plutôt dans le style "La Masquerade Infernale", avec un timbre dramatique légèrement fausset, similaire à ce que l’on peut entendre chez VULTURE INDUSTRIES par exemple. C’est du déjà entendu, mais ça fonctionne assez bien dans l’ensemble : pas d’incohérence ou de morceau significativement plus faible que les autres, et des mélodies plutôt sympathiques. L’on regretta peut-être l’absence de moments vraiment forts comme un solo virtuose, qui aurait donné un peu de pêche au tout. Les fréquents passages atmosphériques fonctionnent mais tirent parfois en longueur (sur la fin de "Truten" notamment, et sur une bonne partie de "Le Temps Donne Naissance A Tout"), ce qui casse le rythme, qui n’est déjà pas forcément très soutenu.

Le vrai souci de cet album réside plutôt dans son manque d’identité. S’inspirer d’ARCTURUS, d’accord ; mais il faudrait apporter sa touche personnelle à l’édifice, se donner les moyens de s’affirmer, à l’instar de VULTURE INDUSTRIES. Bien sûr, le groupe est amateur et cela se ressent, mais il aurait fallu mieux exploiter le potentiel des musiciens qui semblent tout à fait capables de donner plus.

Les compositions donnent une impression de rigidité de par leur manque de spontanéité. On sent que tout a été millimétré et assemblé avec soin, mais cela donne aux chansons un aspect construction Lego, avec des briques distinctes combinées en un tout qui renvoie l’image à la fois de son existence comme une œuvre unie et du fait qu’elle est en réalité fragmentable en pièces isolées. Tout l’art est d’effacer les jointures entre les blocs, mais cela n’est jamais aisé et peut donner sur ce type d’album de musique élaborée un sentiment que tout a été composé au niveau des briques plutôt qu’en pensant à l’ensemble qu’elles formeront. Cette impression n’est pas toujours présente, mais l’on peut l’avoir tantôt, surtout lors des transitions, qui auraient parfois pu être mieux amenées.

Cette rigidité va de pair avec le fait qu’ABERRANT VASCULAR manque de folie pour jouer de ce style de musique. Le Metal avant-gardiste européen s’est illustré par son approche grand-guignolesque, son goût pour l’étrange et le dérangeant ; or ABERRANT VASCULAR est bien trop sage pour prétendre jouer dans la cour des grands aux côtés de VED BUENS ENDE… Et FLEURETY. Même si "Aegithus" est loin d’être négligé, il lui manque la petite touche de démence qui siérait à qui se lance dans l’exercice de rivaliser avec ARCTURUS et consorts.

C’est donc un album mi-figue mi-raisin que nous avons là. Il y a du bon dans la qualité du jeu et la cohérence des compositions, mais il manque un peu de liberté et d’imagination au tout pour aller plus loin. Ce disque est resté relativement confidentiel, mais il mérite tout de même de recevoir votre attention, ne serait-ce que parce qu’il a le mérite d’être généreusement mis à disposition gratuitement en ligne sur le site du groupe. À ce prix-là, la qualité du produit proposé est tout à fait satisfaisante, alors pourquoi ne pas essayer ?