Affublé de sa moustache tellement piquante qu'elle le rendait vénère, Nietzsche a développé son concept du Surhomme en se regardant dans la glace et en se disant qu'il était quand même temps qu'il aille pousser de la fonte. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les penseurs les plus virulents étaient souvent des plumeaux ? Prenez Maurras, qui se permettait de dire de Chateaubriand qu'il était lâche et rêveur, alors qu'il a été infoutu toute sa vie de faire un coup d'état, et qu'il préférait faire du Rousseau 2.0 en se touchant la nouille sur la mort du Roi. Prenez Zemmour de nos jours, qui fait l'éloge de la virilité et du rétablissement de l'Empire alors qu'on dirait Gollum qui a fusionné avec un coton-tige. Comme si, emmitouflés dans leurs corps rachitiques, ces types voyaient bien qu'il était temps de changer d'espèce et de supprimer cet Homo Sapiens sur la pente descendante. Le post-humain, vite !

Le post-humain donc, ce concept qui fleurit et se développe incroyablement dans les arts de notre époque. La littérature en est remplie. Dantec par exemple, a passé sa vie à écrire l'avènement de cet Homme futur. Il était persuadé que la phrase de Nietzsche (l'homme doit être pour le surhomme ce que le singe est pour l'homme) était à prendre au sens futuriste. Et d'appeler à l'éradication de l'espèce actuelle pour laisser la place à des Übermenschen. Pourtant, qui nous dit que ces derniers seront des X-Men ou des êtres hyper-connectés en mode hippie, capables de ressentir le cosmos ? Le post-humain ne pourrait-il pas être l’avènement d'une super race de douchebags ?

Si tel est le cas, HARM'S WAY est déjà dans le futur. Son album "Posthuman" entre d'ores et déjà dans le top 2018 de la crétinerie. Déjà réputés pour être très bas du front, comme les invinciblement nuls CODE ORANGE, les gars de HARM'S WAY ont décidé de ne pas trop se cultiver dans leur Chicago natale - pourtant gorgée d'art - mais plutôt de faire des riffs très cons et de lancer des wall of death avec minima deux personnes dans la salle de concert. De facto, "Posthuman" est un album qui sent bon la musique d'ambiance pour un après-midi créatif à base de pompes inclinées/pompes déclinées/pompes claquées pour se faire un torse-oreiller digne de Khal Drogo. On comptera là-dessus sur des riffs Hardcore Groove type "Dissect Me", des balayettes à la hache gratuites comme "Become A Machine" ou des riffs-séismes comme le Death de "Sink".

HARM'S WAY s'avère donc très classique mais sort parfois de sa zone de confort. Lorsqu'il le fait, c'est le temps de proposer des titres aux ambiances électroniques qui rappellent brièvement GODFLESH ("Temptation") et s'avèrent intéressantes bien que peu développées. On comprend que le concept qui anime l'album induit ces expérimentations, mais il est regrettable que ce soit si peu travaillé. Aussi, "Posthuman" reste un album de Hardcore/Powerviolence traditionnel, qui ne fait qu'amener quelques samples paresseux sur des titres par ailleurs souvent efficaces type "Call My Name". Néanmoins, si l'album s'écoute avec plaisir, HARM'S WAY semble trop engoncé dans un style qui va avoir besoin de davantage pour les faire sortir du lot. La paresse de titres comme "Human Carrying Capacity" révèle que la prise de risques devra être présente sur la prochaine offrande. Pour le moment, force est de constater que HARM'S WAY rate le statut de post-humain, et se contente de rester un Homo Sapiens, voire Homo Erectus, avec une tendance très nette à vouloir casser des choses avec sa tête.