FEJD était un bol d’air immense pour la scène Folk scandinave. Avec une instrumentation entièrement folklorique à l’exception d’une batterie bien rodée et battant une marche rock bien rodée, ça nous changeait des modèles trad’ plus axés sur le chant féminin et généralement plus mélancoliques ou rituels. Les mélodies souvent menées par la nyckelharpa et les cornemuses entre le mélancolique et l’épique, la voix de Patrik Rimmerforsme rappelant un Jean Louis Jossic (TRI YANN) plus sévère et impérieux… dès la démo, le groupe avait amené une identité à défaut d’un savoir faire exceptionnel. De quoi faire des fans, mais pas de quoi repousser les limites de l’acceptable pour le metalleux moyen.

Originellement un projet parallèle de membres du groupe de Power Metal NOSTRADAMEUS (ayant splitté), FEJD a paginé et signé chez NAPAL M RECORDS en 2009 pour trois albums réussis (quoique s’essoufflant nettement avec "Nagelfar") mais qui ne les auront décidément jamais vraiment propulsés au devant de la scène. La difficulté ici était alors d’aller chercher plus que le metalleux qui écoute de temps à autre du Folk, ou le folkeux qui écoute du Folk Metal. Et là, les cinquantenaires tradeux, ils ont un peu du mal à sortir de leur zone de confort, et, la promotion de FEJD comme un groupe de Folk Metal alors qu’il n’a jamais été QUE Folk (avec un caractère rock affirmé, mais rien de plus), ça n’aide pas non plus. Les Suédois vivent donc un peu la tragédie de STILLE VOLK en France : un potentiel énorme qui n’est reconnu que par une scène qui identifie la musique qu’ils jouent par extension à la scène metal.

"Trolldom" marque officiellement l’entrée de FEJD comme véritable formation de Folk Metal. On intègre une guitare électrique au line-up et le tour est joué.

Il aura fallu quitter NAPALM RECORDS pour le tout nouveau Dead End Exit pour en arriver là. Et le bat blesse : FEJD gardait une écriture épique sans pousser les artifices au-delà d’une instrumentation organique, et voilà qu’on nous tartine une guitare électrique par-dessus, qu’on powerise un peu la rythmique ici et là… mais sans vrai changement structurel. Si les guitares électriques en font davantage que chez un KORPIKLAANI, on entend rarement plus que de la broderie ma foi pas dérangeante mais assez standard. Là où on aurait voulu plus de puissance elle ne fait finalement qu’envahir avec des mécanismes sans saveurs et un son brouillon cassant la mystique folk du groupe. C’était avant cela toute la beauté du groupe : la guitare électrique semblait presque « induite », invisible, la puissance et la noirceur venait d'autre part. Dans "Trolldom", là où la guitare se fait plus présente, comme sur "Hednaland" et "Glöd", j’ai du mal à me réjouir.

"Vinternatt", balade forte qui clos l’album, a peut-être plus de caractère avec ses entrelacs électriques. Mais là aussi est-ce que des guitares sèches n’auraient pas été encore plus émouvantes ?
Pour le reste, FEJD garde un certain don pour l’écriture de mélodies à la fois prenantes et nostalgiques et de refrains qui restent en tête : "Härjaren" est formulaïque et même si la guitare électrique le rend un peu brouillon, c’est du tout bon, "Trolldom" (le titre) sent un peu le FEJD en pilote automatique, et "Ingjald Illrade" est bien fignolé.
C’est finalement la réécriture de "Bed For Din Sjal" avec sa touche de chant féminin qui me plaira le plus. Et moi qui vous présentait FEJD comme original précisément pour son chant masculin, voilà que je l’émascule…


Donc je passerai assez vite sur "Trolldom" : solide mais sans surprise. Sa « metallisation » n’apporte rien, voire dégrade ce qui me semblait essentiel dans la démarche du groupe (du folk fort et rythmé mais organique). Cependant, comme le groupe était un peu sur la pente descendante avec "Nagelfar", il y a peut-être plus à attendre de leurs nouveaux choix artistiques à l’avenir : le Folk Metal paraît extrêmement redondant ces derniers temps mais il y a encore énormément à explorer, et les Suédois, on le sait, ont un réel potentiel.
Les trois étoiles sont donc ici 'optimistes' : si cela aura amené plus de monde à cliquer et à s’intéresser au groupe, et EN PARTICULIER à l’album "Eifur", alors cette chronique aura fait le travail !