L'existence même d'une chanson nommée "Oh No ! Bruno !" m'emplit d'un sentiment de félicité absurde, proche du rire sot et involontaire qui répond à la blague de bas niveau. Et je ne vous parle même pas de "Big Dick" je ne vais jamais tenir tout le disque putain. Il fallait évidemment que "Oh No ! Bruno !" soit un monument de hardcore immédiat, imparablement accrocheuse, ridicule et extatique, simple et soignée. Que cette chanson soit un putain de tube et que son refrain reste gravé en ma mémoire suffisamment longtemps pour que cette chronique s'écrive.

OH NO
BRUNO
TOO MUCH IS NOT ENOU-UGH

Un putain de tube doté d'une basse énorme. Il faut le dire : la basse sur "Wrong" est obscène. Plus grosse encore que sur "Streetcleaner" de vous-savez-qui – non, pas le personnage de fiction – paru la même année.(1) Un son gros, gras et perçant à la fois, une dextérité appréciable ("It's Catching Up", "Brainless Wonder"), des lignes imparables ("Oh no !") : voilà qui nous changera de la vague présence dans les bas-médiums si fréquente dans nombre de productions aseptisées. Voilà un bassiste qui sait utiliser son instrument et un groupe qui sait utiliser son bassiste.

NOMEANSNO puisqu'il faut bien le nommer, est un groupe de Hardcore avec quelques morceaux de Math Rock et de Post-Hardcore – l'original et pas celui associé au Sludge Atmosphérique – une appellation dont la signification est aujourd'hui nébuleuse. Rentrons un peu dans les détails. Le style de NOMEANSNO est très nettement basé sur cette base "classique" de Punk Hardcore sur laquelle viennent se greffer des éléments énumérés ci-dessous.

NOMEANSNO est influencé de façon fort visible par MINUTEMEN groupe mélangeant Punk, Post-punk et Funk Rock, connus en particulier pour le cultissime "Double Nickels On The Dime" un album qui revient assez souvent dans les tops des meilleurs albums de punk dès que l'on s'adresse à des individus un minimum connaisseurs. Je ne me prononcerais pas sur la légitimité de cette réputation, en revanche l'influence de MINUTEMEN peut se retrouver depuis PIXIES jusqu'à RED HOT CHILI PEPPERS en passant par PRIMUS et cela parle pour eux.

On aurait pu craindre que NOMEANSNO se ratatine dans l'ombre de son grand frère, il n'en est rien. Bien plus encore que MINUTEMEN, NOMEANSNO manifeste une technique instrumentale fort éloignée des clichés du punk (Salut les SEX PISTOLS), une technique démontrées en particulier sur les parties les plus proches du Math Rock par des échafaudages rhythmiques ou des mesures encore peu communes dans la galaxie spatiotemporelle du Punk de 1989.

Les moments les plus techniques ou les plus éloignés du bon gros punk hardcore des familles leur valent parfois l’appellation de progressif, encore un mot qu'on sert à toutes les sauces. On parle parfois même de jazz, tout ça parce que NOMEANSNO à le bon goût d'aimer MINGUS, BLAKEY, et de sortir 30 secondes jazzeuses sur l'ensemble du disque. A croire qu'il faut nécessairement être jazz ou prog' pour être technique ou intelligent. Ces deux genres ne sont qu'un constituant mineur de l'ADN de NOMEANSNO et je ne les mentionnerais plus dans ce qui reste de cette chronique.

Je dois avertir un éventuel vrai connaisseur de Hardcore ou de Post-Hardcore qui passerait par là et pour qui la méconnaissance de FUGAZI, HÜSKER DÜ, ou DRIVE LIKE JEHU semble inconcevable. Je ne suis un expert, ni en Punk, ni en Post-Hardcore, ni même en NOMEANSNO. Il m'a simplement paru intéressant pour ne pas dire nécessaire, puisque la base de données de NIME s'ouvre un tantinet sur le Punk Hardcore d'y ajouter ce disque. Un disque réussi, un disque important, un disque aussi incontournable que "The Shape Of Punk To Come", "13 Songs", ou "Relationship Of Command" lorsqu'il s'agit de parler de Post-Hardcore.

(1) Vous ne savez pas de qui ? Vous ratez quelque chose.