SYPHILITIC VAGINAS est un combo obscur qui s’est matérialisé dans les années 2000 porté par un élan invoquant la galaxie des combos de Proto Metal extrême et de Hardcore, essentiellement japonais, remontant à deux décennies plus tôt. Sorti de nulle part, il multiplie les références à une scène incroyablement spécifique (à commencer par son blaze) dans un hommage incroyablement poussé qui finit par faire tendre l’oreille : c’est-y-pas trop beau pour être vrai ? Trop… vrai ? Tracklists en japonais, membres totalement dans leur personnage (putain cette unique interview totalement surréaliste à en renvoyer BARBATOS à Normale Sup’), une vague photo qu’on voit pas les yeux et qu’on peut pas juger du bridage suffisant ou non, ce qui ne laisse comme seul autre indice qu’un big hair, qui pourrait ou pourrait ne pas être une perruque, façon visual kei speed métallisé à la ROMMEL. Ce halo de mystère entretient des rumeurs issues d’on ne sait où sur l’identité réelle et l’origine du groupe, qu’on localise de l’autre côté de la planète. Autant continuer avec un avertissement, quitte à ruiner le fun à ceux qui aiment les mystères et à ceux qui aiment leurs groupes authentiques : ces rumeurs sont fondées et tout est factice. De quoi réécrire en entier le paragraphe du dessus en attaquant le groupe sous l’angle des faits et pas celui de son image méticuleusement élaborée :

SV est l’œuvre d’un Suédois tout seul, fan de vieux son qui aime faire les choses à fond, aux commandes en tant que producteur (EXCORIATE) ou dans la même approche d’hommages appuyés en tant que musicien (NETJAJEV SS, hommage à TAMPERE SS… qui est déjà une référence à LONDON SS !). SV pousse la perversion en sortant ses albums dans une confidentialité à la limite du grotesque, refile le packaging entier et s’amuse à confondre réalité et fiction à tel point qu’on a du mal à ne pas se laisser prendre au doute même l’affaire éventée, avec les intervious à prendre comme élément à charge ou à décharge : en font-ils (enfin en fait-il) un peu trop dans leur anglais passé à la moulinette d’un japonais trop intégriste pour être vrai ? SV sous ses atours secrets est monté de toutes pièces, un édifice bâti de toutes pièces dans un studio qu’on devine propret et bien éclairé.
La question de cette chro sera donc : peut-on apprécier cette musique dépouillée de la mystification qui entretient son aura ? Y a-t ’il un mérite, voire un sens artistique, à fonder un projet sur une telle supercherie, de la même manière que ces groupes qui font exactement la même chose mais à visage découvert et sont ainsi justement affublés de l’étiquette de revival ? Et c’est un mec qui couvre essentiellement des quasi-cover bands de MOTÖRHEAD qui se demande ça ! Mais quand le vrai n’est pas assez fort faut en repasser une couche pour atteindre l’idée même du type de musique visée, SV en met plein la vue avec sa musique finalement 100% conceptuelle, et c’est pas anodin qu’ils fassent si "saisi sur le vif" tout en faisant autant de chichis autour de leur Metalpunk furieux.

Et merde j’en ai fait tout un fromage... en plein dans le piège que je suis tombé ! Mais le seul fait que tant de gens s’y soient laissé prendre un peu volontairement témoigne de la qualité du truc. D’autant plus, et c’est là qu’il sort son épingle du jeu, qu’il donne leur fix aux obsédés d’un son maintenant enterré mais qui causera quand même aux non-initiés, dans les registres Hardcore, Crust, avec une grosse référence aussi aux premiers assauts d’une vague Black à la BATHORY. Un crossover indescriptible et foudroyant dont d’autres chroniqueurs auraient mieux parlé que moi.

Et qui dit EP limité et introuvable, d’une durée ridicule qui plus est, dit EP qui a forcément intérêt à en avoir dans la panse pour pas se faire équarrir. Mais SYPHILITIC VAGINAS n’abat son jeu qu’en possession de toute sa force ; "梅毒マンコ" est un véritable exercice de style en rock bruitiste, du genre qui travaille le son au corps à corps au plus intime de sa substance, celle qui se loge au coin d’un studio pourri et se joue à la goutte de saké ingérée par l’ingé-son près ou au faux-contact près dans les consoles. Imiter l’inimitable, faire de l’authentique d’une supercherie avérée : voilà le pari fou relevé par SV !

Du Metalpunk branché chaotique, aspect vinyle déjà usé et ambiance de guerre urbaine totale doublée d’une dimension evil absolument surjouée avec des voix trafiquées aussi bien dans le registre démoniaque que le grotesque, des grognements infernaux qui semblent surgir tout droit des profondeurs d’une mine de charbon, une cacophonie de UGH étouffés qui déclenchent des avalanches de cymbales et gargouillements de lavabos démoniaques. FOUFOUNES GONORHEENNES abuse de tout, c’est sa marque, vous plonge dans une masse agitée de bestialité furax à 45 tours par minute, quitte à faire des incartades incertaines dans des ambiances différentes qui pimentent encore ce côté bouffon (voir "In Satanic Service" ou l’accroche d’"Angel Of Destruction", trop espiègle et jovial pour incarner complètement ce penchant Black Metal, un côté punk décalé à faire se trémousser des hanches autant que les parties speed font secouer la tête, et ce même avec cette impression d’agression constante !).

La fin de l’EP tente plus d’envolées Heavy qui pimentent le truc et débordent de feeling et forment un îlot plus consistant au milieu du tonnerre de compos à l’aspect inachevé ou plutôt pas développé des compos qui semble faire de cette release une collection de riffs et de plans extrêmement efficaces avec pour seule structure qui se dessine celle de la descente dans le chaos le plus complet et de l’enchaînement à l’arrache de plans schizophréniques. Les effets sonores précipitent la surenchère dans ces morceaux déjà très denses (ce bruit de tronçonneuse à la RAZOR, comme si la débauche de crasse ne suffisait pas tant les guitares sont refondues en dents de scie gonflées à l’énergie de 666 centrales thermonucléaires (certains parlent de charme, les tordus il est vrai)).

Si j’étais feignasse j’aurais décrit la musique et surtout l’ambiance qui règne chez SV simplement en reproduisant des morceaux choisis de cette fameuse interview où les éléments de langage usités sont déjà suffisants pour vous donner l’eau à la bouche, je suis là que pour vous confirmer que Yusuke Flamethrower, dont le vrai nom est en fait sans doute l’équivalent suédois de Jean-Pierre Durant, ne dit pas de la merde. Avec les mots de Yusuke, qui renomme son poste de zicos en "Goat horns on wooden coffin" : "Satanic is essence of nippon hardcore never die, is devil hardrock sound = metalpunk. We make no big difference between, metal is punk, punk is metal".

SYPHILITIC VAGINAS ressuscite un certain esprit bestial et primitif et concilie adroitement un côté rigolard et pas prise de tête avec un parfait tonnerre noir-métallique, efficace et frais. Pas la peine de sortir plus de "T’as vu ci et ça", tout l’EP défonce et je vous engage à tester ce groupe qu’on zappe à l’école du parfait petit hardos. "SV rule the planet with iron fist you no need any band else, we are god of metal".


Et l’interview la plus fantasque que j’ai lue, je vous engage à la lire pour éviter d’avoir à la reproduire en entier : http://www.metalmaniacs.com/2008/fast-forward-%E2%80%93-syphilitic-vaginas/
"Yes, we are fetish band. Everything out of control now no return. Fight for imperial Japan or die, we have no choice. Try join shield society but no take we’s punx, too bad. "