Entité italienne de bon goût, DUNWICH fait partie des nombreux mystères insondables qui peuplent la planète depuis que le monde est monde et qui continueront à interpeller les curieux et les fouisseurs avertis de la musique qui nous passionne, jusqu’au moment futur où les patronymes des moindres groupes ne tombent dans l’oubli le plus profond. Heureusement l’heure n’est pas encore venue, NIME est là pour vous rappeler que la qualité n’est pas forcément synonyme de reconnaissance du public ou des critiques et vice versa bien entendu. Car si nos Romains ont sans doute vendu trois exemplaires de leur premier album "Sul Monte è Il Tuono" (1994) à leurs voisins de palier, puis dix du second "Il Chiarore Sorge Due Volte" (1995) à la famille du concierge, nous ne saurions ignorer le talent bouillonnant de son duo de compositeurs Claudio Nigris et Katya Sanna, dont les visions deviennent souvent pour les auditeurs autant de voyages intemporels et savoureux dans des limbes médiévales évanescentes.

L’étonnante formation évolue dans un Heavy Metal à la fois atmosphérique et symphonique qui mêle de nombreuses influences de manière pertinente. Notamment celle évidente des maîtres DEAD CAN DANCE, mais aussi celle sous-jacente du Rock Progressif des 70, KING CRIMSON en tête. Le caractère éthéré des anciens travaux est ici délaissé pour valoriser la section Metal et les guitares qui deviennent nettement plus bavardes que par le passé. Sur "Eternal Eclipse Of Frost", on pense furtivement à THERION, cependant la comparaison s’arrête là car DUNWICH propose une approche personnelle, moins mystique et beaucoup plus intimiste. En effet, les orchestrations sont distillées au compte-goutte et les chœurs masculins n’apparaissent que sur quelques titres et à des endroits rigoureusement choisis, avec le concours d’instruments variés comme des harpes, des violons ou des trombones. En outre, le chant modulé de la muse Katya atteint des sommets d’émotions qui ne laisseront pas les amateurs indemnes. Précisons que cette impression transpirait déjà dans les œuvres précédentes. Ses performances atypiques, éloignées des standards, rappelleront la diva Francesca Nicoli prêtresse d’ATARAXIA et du funeste MONUMENTUM.

Surtout, remarquons le soin apporté aux mélodies et autres solos dont les atouts transcendent les morceaux qui pour la plupart voient leur valeur augmenter au fil du temps. Citons le majestueux "Il Giro Di Vite" et ses chœurs pompeux doublés de cuivres judicieux, puis le Doom épique de "Passaggio A Saint Briac", un croisement entre CANDLEMASS et The GATHERING dont le refrain aérien marquera les esprits. Le dansant "Il Nostro Incanto" alterne des couplets chaloupés au chant léger avec des refrains imposants et ouvragés. Signalons de surcroît la montée en puissance remarquable de "Il Vento Di Aran", puis le galopant "Alcheringa" qui est accompagné de violons entraînants. Notons finalement la sculpturale ballade baroque "L’Avorio Di Irene" parsemée de délicieuse nuances théâtrales.

Un recueil de poésie transalpine méconnu qui mérite pourtant une oreille attentive, car le périple qui est proposé est d’une inspiration inespérée et d’une intense mélancolie. Une réussite humble dont la touchante discrétion saura satisfaire les collectionneurs de mélopées ciselées par des orfèvres.