Le label Frontiers va finir par se faire prendre à son propre jeu. Depuis une dizaine d'années, la maison de disques italienne semble avoir trouvé sa formule la plus avantageuse : faire collaborer des artistes de renom avec des jeunes pousses ou des talents peu connus. La formule, qui a longtemps fait ses preuves, semble désormais s’essouffler. En mettant Magnus Karlsson, Alessandro Del Vecchio ou Timo Tolkki derrière la conception d'une grande partie de ses albums, le label propose désormais des sorties "génériques", qui peinent à se distinguer dans le flot ininterrompu des nouvelles sorties.

Le pauvre Kelly KEELING en fait les frais, même si ce "Mind Radio" est loin d'être une catastrophe. Le chanteur, discret et peu prolifique, méritait pourtant mieux. Lui qui a chanté et collaboré avec John NORUM ou Michael SCHENKER, donné naissance a quelques albums fort convaincants avec son groupe BATON ROUGE au début des années 90 et qui est, récemment, revenu en force avec le projet RED ZONE RIDER, également constitué du guitariste de UFO Vinnie Moore, est l'une des plus grande voix du circuit : un timbre rugueux et puissant, ainsi qu'un groove naturel font du chant de l'Américain un véritable plaisir pour les oreilles.

Le bonhomme ne s'est pas véritablement fourvoyé en rejoignant l'écurie italienne et en acceptant de collaborer avec Alessandro Del Vecchio. Seulement, 10 ans après un premier album solo audacieux, ce "Mind Radio" laisse comme un goût d'inachevé et peine à se faire réellement percutant. Tout d'abord, il semble que le style Hard FM, ici pratiqué par le bonhomme, ne soit pas le plus adapté à son chant brut de décoffrage. On aurait aisément envisagé des compositions plus mordantes, à l'image de celles qui émaillent le très bon album "The Unforgiven" du MICHAEL SCHENKER GROUP, sur lequel le chanteur excelle. Néanmoins, Del Vecchio fait le boulot en proposant des mélodies sympathiques. Il est évident que l'énergie de "Isolated Man", les refrains de "Still Need You In My Arms" ou des imparables "Take Me To The Limit" et "No Man's Land" ne peuvent que susciter l'adhésion. Bien que très présents, les claviers ne prennent pas le pas sur les guitares, et rendent l'ensemble à la fois accessible et digeste.

Malgré tout, si l'on compare sa prestation sur cet album avec ses précédentes réalisations, Kelly KEELING semble peu investi, et sa voix sonne de manière terne, loin de la puissance d'antan. Il faut attendre l'arrivée des 3 morceaux écrits par le chanteur pour entendre un véritable enthousiasme : "Written In Fire", dans un style typique BATON ROUGE, voit les guitares prendre le pas sur les claviers et proposer un riff décoiffant. En résulte un titre Hard Rock diablement efficace. De même, "Frozen In Time", bien que plus légère, et "Ride Out The Storm", dans un style AOR, donnent l'impression de revenir vingt ans en arrière. Sur ces titres, Kelly KEELING est grand ! Le titre final, explosif et direct, se fait finalement la plus belle surprise d'un album qui alterne l'inspiré et le "plan-plan".

Alors que l'on pouvait espérer un album marqué du début à la fin par sa forte empreinte vocale, le chanteur américain, "drivé" par son écurie italienne, propose un album certes compétent et convaincant, mais qui peine à se démarquer des (nombreuses) sorties similaires. De même, on ne peut que préférer la prestation de Kelly KEELING au sein de RED ZONE RIDER, tant certaines lignes vocales de cet album témoignent d'un flagrant manque d'enthousiasme. Un album sympathique, mais pas à la hauteur du talent du chanteur.