J'ai beau me casser la tête à coup de marteau, l'inspiration ne vient pas pour introduire dignement ce troisième album des vaillants SACRED BLOOD. Donc, une fois n'est pas coutume, je me contenterai de citer mon collègue MEFISTO :
On dit souvent que le Metal naît d'un besoin. D'un besoin de réagir, de se défouler, de renverser la vapeur qui brûle les peuples, de calmer la colère par l'énergie et la testostérone. Quand je vois de plus en plus de groupes de qualité provenant de Grèce, je me dis qu'il n'y a pas de hasard. Avec ce que la nation hellène traverse depuis plus de dix ans, économiquement et politiquement, il DOIT y avoir un lien. Une nécessité urgente de se changer les idées, de créer dans un monde basé sur les thunes, de revenir aux racines afin non pas d'oublier le présent, mais de se rappeler le passé, question de remettre les choses en perspective pour espérer un meilleur avenir. (Chronique de l'album "Gods Of War - At War" du groupe MACABRE OMEN.)

Voilà. Vous l'aurez deviné, SACRED BLOOD est aussi un groupe grec, et le texte cité ci-dessus s'adapte tout à fait à sa philosophie. Cela faisait donc déjà deux albums que le groupe s'évertuait à rendre hommage aux plus belles pages de l'histoire antique de son pays. Cette foi-ci, pour son troisième essai, il décide de mettre en musique une autre facette de la grandeur passée de la Grèce : sa mythologie. L'épisode choisi est celui de l'épopée des Argonautes, riche en aventures, et moins évidente que l'épopée Troyenne. Pour illustrer les péripéties maritimes et guerrières de Jason et ses nombreux acolytes, SACRED BLOOD y consacre tout son savoir faire en matière de Metal épique agrémenté de touches folks.

On sent que les Grecs font parler leurs tripes. Si les similitudes avec leurs compatriotes de BATTLEROAR n'ont jamais été aussi proches, SACRED BLOOD fait preuve d'une spontanéité vivifiante que ses aînés semblent avoir un peu oublié sur leur dernière production. SACRED BLOOD envoie donc la sauce avec un enthousiasme débordant, les racines Power du groupe n'étant jamais loin, comme en témoigne les très énergiques "Hellenic Steel" et autres "Friend Or Foe". Les refrains fédérateurs sont évidemment de la partie, il faut bien cela pour donner corps et présence à ces récits, bien que l'on pourra déceler là une légère faiblesse : ces refrains ne sont pas toujours aussi mémorables qu'ils devraient l'être, en dessous notamment de ceux qui étaient présent sur le premier opus des Grecs.

Car la force de SACRED BLOOD est aussi sa faiblesse. Cette spontanéité tout à fait louable de prime abord aurait parfois mérité de s'effacer au profit des ambiances d'époque que le groupe s'échine souvent à recréer à base d'instrument traditionnel (cornemuse irlandaise, percussions). Car hormis le long interlude folk "O'er The Tomb", il faudra attendre le diptyque final "The Golden Fleece part I & II" pour que le groupe atteigne une osmose totale et durable entre orchestrations folks et Power Metal épique. Sur ce final remarquable, SACRED BLOOD lâche les lions : cuivres, instrument à corde oriental, duduk (sorte de hautbois arménien), différents guitaristes invités issus de la scène grecque (CROSSWIND), chanteur (dont l'actuel vocaliste de WARLORD) et chanteuse venus donner le change pour un rendu théâtral. Tout cela au service d'une pièce de haute volée qui ne s'éternise aucunement et qui relaie le souffle épique de ces temps fantasmés.

Mais les aventures des Argonautes auraient été plus grandioses si elles avaient été contées par un chanteur de plus grande envergure. Epeios Focaeus délivre une prestation propre et appliquée, identique à son travail sur le second album, "Alexandros". Et pourtant il peine à faire oublier son prédécesseur, John Georgopoulos, chanteur certes plus approximatif mais qui savait assaisonner son chant d'une saveur guerrière et belliqueuse qui manque à Epeios. SACRED BLOOD aura beau s'adjoindre les services de musiciens additionnels, d'un parolier, d'incorporer des passages parlés en grecs anciens, c'est sans doute l'adjonction d'un frontman plus impétueux qui lui permettrait de gravir le mont Olympe.
Quelques menus défauts donc pour cet "Argonautica", mais qui, a défaut d'être passionnant de bout en bout, contient son lot de très bons moments. Dans le genre, ça reste une sortie très recommandable.