Il y a deux choses dont l'amateur de Heavy Metal traditionnel doit se méfier : une pochette trop sobre et une liste d'invités trop longue. THOMSEN cumule les deux. Ah, notez également le nom du groupe qui est aussi le nom de son leader, matière à bonnes surprises mais parfois synonyme de tête grosse comme une citrouille d'HELLOWEEN. René THOMSEN, donc, nous colle d'entrée une belle frayeur avec ce "Unbroken", deuxième album dont le visuel, d'une banalité affligeante, tranche avec celui bien plus grandiloquent et épique de son premier témoignage "Let's Get Ruthless", publié en 2009. Mais, le guitariste et homme d'affaires allemand semble bien désireux de pallier ce manque d'audace graphique par un carnet d'adresses rempli à ras bord de tout ce que la planète Heavy compte en noms prestigieux. Après s'être adjugé il y a quatre ans les services de Neil Murray (WHITESNAKE), Nibbs Carter (SAXON), ou encore Herman Frank et Stefan Scharzmann (ACCEPT), le bonhomme remet le couvert avec un plateau d'invités à faire pâlir d'envie tout amoureux de Heavy teutonique : Udo Dirkschneider et son guitariste Mathias Don Dieth, tout comme les batteurs André Hilgers (RAGE, AXXIS...) et Bobby Jarzombek (HALFORD, SEBASTIEN BACH, RIOT), l'inépuisable Vinny Appice qu'on ne présente pas ou encore David Vincent de MORBID ANGEL.

Au milieu de ce panier de crabes surnage une belle équipe de musiciens, elle-même fort compétente, qui accompagne René Thomsen sur ce "Unbroken" dont on pourrait légitimement penser, au vu des noms qui l'ont enregistré, que les déflagrations et la puissance de frappe vont encastrer l'auditeur dans ses baffles. C'est un peu vrai, mais il ne faut pas voir sur cet album un simple manifeste de Heavy teuton sans subtilité ou dénué de sens. Car, comme touché par la grâce, le bonhomme a eu la très riche idée de faire appel, pour l'assister dans la composition et la production de l'album, à l'excellent guitariste Helge Engelke, connu pour être une des têtes pensantes des légendes du Hard Mélodique FAIR WARNING, ainsi que pour être un des disciples les plus fervents d'Uli Jon Roth. Fort de son pedigree, ce bon Helge distille donc, sur tout l'album, ses touches célestes, très mélodiques, qui se marient fort bien avec la lourdeur relative des compositions.

Loin d'être contre-nature, cette union donne naissance à des sonorités inédites et véritablement intéressantes. Souvent marqués par une rythmique belliqueuse et enlevée, une guitare mordante et un chant puissant, très charismatique (à noter la belle performance de Robert Soeterboek), les morceaux voient leur impact brutal contrebalancé par les lignes de guitare tellement aériennes d'Helge Engelke qu'elles en deviennent extraterrestres. Il n'y a pas de mot pour décrire cette bouffée de bonheur qui nous envahit à l'écoute de l'intro de "Break That Spell", témoignage d'un savoir-faire rare et délicat. Également aux manettes de la production, Helge ajoute de nombreux éléments que les amateurs de ses groupes FAIR WARNING et DREAMTIDE apprécieront: ces chœurs, à la fois subtils et imposants, qui confèrent une profondeur supplémentaire aux morceaux.

Ces derniers, aux mélodies imparables et aux refrains marquants, sont pour leur part d'indéniables réussites. "In Your Face", ces brûlots que sont "In Steel We Trust", "Dream", le morceau-titre "Unbroken", tour de force aux intonations guerrières, ou encore le survitaminé "One", judicieusement placé en fin d'album, se posent en référence évidente à un Heavy Metal 80's tel qu'il pouvait alors se pratiquer en Allemagne. Mais le groupe voit plus loin, et, grâce à une production très claire et ce surplus de mélodie apporté par Helge Engelke, parvient à ancrer parfaitement sa musique dans son époque, et s'extirpe sans aucune difficulté du flot des groupes œuvrant dans un style similaire. En fait, le seul faux pas de cet album est à chercher du côté du lourd et pompeux "We Made It". Ce bon UDO fait pourtant le job au chant, tout comme Vinny Appice à la batterie, mais il n'y a rien ici qui accroche l'oreille et pourrait permettre au morceau d'éviter les oubliettes.

Reste que, en brisant les codes du genre, THOMSEN se démarque de ses références évidentes (ACCEPT), pour proposer une musique qui ose mêler l'agressivité pachydermique du Heavy "à la teutonne" avec des influences venues d'un Hard très mélodique, puisant lui-même sa source dans la légèreté de certains compositeurs classiques. En résulte un album très original, boosté par une production en béton et des compositions aux petits oignons, qui mérite qu'on lui offre une chance. Une excellente surprise, malgré les réserves de mise à sa découverte.

Le clip de "Draw The Curtains" : https://www.youtube.com/watch?v=m8cp7JQThBs