La majorité des super bandes n'ont pas toujours fait couler beaucoup d'encre pour la seule et unique raison qu'il y en a trop. Le terme est galvaudé aussi, « super groupe » étant la définition très étirée de « réunion de membres plus ou moins connus de groupes divers qui essaient de se sortir de leur routine ». La plupart des membres de ces super groupes se rencontrent dans des festivals ou des tournées, se lient d'amitié et se trouvent des affinités musicales.

Sauf que dans le cas de CONQUERING DYSTOPIA, c'est différent : Jeff Loomis et Keith Merrow (DEMISERY) ont répondu à l'appel de leurs fans Youtube, site sur lequel ils postent des vidéos de toutes sortes (critiques de matériel musical, jams, etc.) et se sont mis à jouer chacun sur les trucs de l'autre. Quand ils ont vu que leur complicité les amènerait loin, ils se sont adjoint les services d'Alex Webster de CANNIBAL CORPSE à la basse et de Alex Rüdinger, nouveau batteur de The FACELESS.

Le Death Mélo/Prog instrumental que le quatuor livre sur ce premier éponyme est tout simplement fameux. CONQUERING DYSTOPIA ne fait pas partie des combos qui n'auraient pas dû choisir de laisser tomber le chant, car sa musique est assez touffue, technique et colorée pour nous faire oublier en moins de deux que les seules cordes qui comptent sont celles des deux fondateurs. Pas besoin de cris, de râles ou de bidouillages quand on a ÇA.

Bon, ça ne réinvente absolument rien, ne vous attendez pas à des découvertes extraordinaires. "Conquering Dystopia" contient des thèmes universels, reprend des lignes souvent utilisées en Metal (certains riffs et mélodies m'ont rappelé des titres que j'ai entendus dans le passé, c'est vous dire...), mais ça fonctionne justement pour cette raison. On est en terrain connu, on bouge la tête, on fait du « air riffing » en compagnie de Jeff et Keith, on se voit chevauchant une comète sur les morceaux plus véloces, on balance notre briquet (ou notre iPhone) sur les balades et on se brise les cervicales sur les morceaux plus techniques et complexes. Vraiment, il y a de tout dans cette douzaine, personne ne se sent mis de côté, les Américains ont misé sur un album consensuel, accessible, riche en émotions, bref, pas loin de la perfection.

Peut-être ressentirez-vous un peu de lassitude sur certains titres à rallonge ou lorsque le duo semble trop se la péter en étirant ses soli. Il ne faut pas oublier par contre que CONQUERING DYSTOPIA est un projet basé sur les guitares, alors vous vous buterez forcément sur un mur de grattes évoquant le Death, le Heavy, le Rock, le Blues, le Hard et j'en passe. Cette diversité contribue à chasser la monotonie dont plusieurs pourraient souffrir en absence de lyrics.

Au programme, vous avez neuf grosses baffes et trois pièces plus courtes servant d'intermèdes, à part peut-être la superbe "Lachrymose", qui nous rappelle les belles années de Malmsteen. Difficile de savoir ce qui motive les Américains en création, mais on devine aisément en écoutant - et pas qu'en lisant les titres - que les thématiques récurrentes du Death Mélo et du Prog les influencent. Ça demeure évidemment flou, on doit nourrir notre imagination et c'est tant mieux ainsi, car l'auditeur doit redoubler d'attention. Les paroles, vous en conviendrez, empêchent parfois de mettre le focus à la bonne place, surtout en Metal...

CONQUERING DYSTOPIA est donc un essai converti pour Jeff Loomis et Keith Merrow. Je leur conseille de continuer à créer des riffs incendiaires et rondelets comme cela au lieu de se montrer la binette sur le web. Côté artistique, ce serait mieux.

Longue vie à ce projet qui n'a pas fini de nous divertir !

Podium : (or) "Inexhaustible Savagery", (argent) "Destroyer Of Dreams", (bronze) "Lachrymose"