En 1990, BLASPHEMY avait secoué le monde du Metal extrême comme jamais. "Fallen Angel Of Doom" était le coup de canon marquant le début de la grande course du Black Metal seconde vague. Figurant parmi les premiers à s’être affirmé comme un groupe exclusivement Black, d’un point de vue musical et esthétique, et à avoir épuré le son de toute filiation avec le Thrash/Death old school, BLASPHEMY était devenu une légende dont personne n’allait manquer de s’inspirer.

Les trois ans qui séparèrent la sortie du premier et du second album des Canadiens du cimetière Ross Bay auront fait tomber BLASPHEMY du statut de précurseur à celui de retardataire. Pourtant signé chez Osmose Productions, bénéficiant donc d’une visibilité plus correcte, l’album "Gods Of War" (un titre qu’ils n’ont décidément pas volé !) ne fera pas plus de bruit que ça (surtout comparé aux autres productions de l'époque) et on préférera retenir de BLASPHEMY son premier album, plus monolithique.

Encouragé par son label, BLASPHEMY prendra la tête de ce qui sera considéré (et publicité) comme la première tournée Black Metal. Pour le "Fuck Christ Tour", les vétérans emmènent dans leurs valises les plus jeunes IMMORTAL et ROTTING CHRIST avec eux pour ce qui sera sans doute une série de concerts phénoménaux. La simple présence de ces deux autres légendes du Black (au futur encore radieux) consolident l’idée que BLASPHEMY n’a plus vraiment sa place dans le monde qu’il a contribué à créer.

"Gods Of War" s’affirme donc comme un chant du cygne avant le repos éternel. Bodybuildés, tatoués et maquillés de noir, les Black Metal Skinheads de BLASPHEMY remplirent leur dernier album studio de toute leur haine et de toute leur inhumanité. C’est d’ailleurs cet aspect monstrueux qui démarque complètement cet album des autres productions de l’époque. La voix de Black Winds est inimitable tant elle semble sortir droit des abysses. Son mixage noir de noir renforce davantage ces airs de cerbères qu’arborent tout le long le chanteur et leader de BLASPHEMY.

La brutalité des riffs n’est malheureusement que rarement à la hauteur de ces vocalises infernales. La recette du premier album (un mix de SARCOFAGO, de DOOM et de SODOM) est la même, mais la flamme ne semble pas brûler du même feu. On ne retrouve pas les mêmes riffs en "lâchers de bombes" ni l’atmosphère oppressante (perdue ici dans une production des guitares beaucoup trop propre).
Avec en prime une durée de seulement 20 minutes, on peut se permettre d’affirmer que le résultat est relativement décevant.

Pour combler ces lacunes, Osmose Productions, en plus de modifier la pochette finale, aura cru bon d’ ajouter la première démo du groupe sur la deuxième face du disque. Faussant légèrement la nature de ce disque de fin de carrière.

Il faut tout de même reconnaître à "Gods Of War" qu’il est un album que seul BLASPHEMY aurait été capable de produire : voix inhumaine, agressivité inégalable, noirceur caractéristique du War Metal canadien etc.
Comme un dernier cri dans la nuit donc, mais un cri qui n’a pas été poussé pour plaire ou pour se plaindre. Juste un cri féroce, sans compromis, pour la beauté du geste.

Il vaut mieux aborder "Gods Of War" comme un supplément à la légende. Le dernier spasme brutal de ceux qui furent les plus grands badass de leur génération, et c'est d'ailleurs comme cela que se constitue l'album : une série d'assauts violents et agressifs, d'une durée courte mais d'une intensité rare.