MARTYRIUM est pour moi un mystère tout entier. Il s'agit d'une formation singulière d'origine allemande qui avant de muter en SECRETS OF THE MOON accouchera de ce "L.V.X OCCVLTA", opus fiévreux et fumeux, hommage délirant aux anges déchus et à leur poésie. Une approche paresseuse nous ferait considérer MARTYRIUM comme l'embryon du futur petit géant du Black qu'est SOTM, mais détrompons-nous. Car "L.V.X Occulta" ne représente en rien un prédécesseur cohérent à "Stronghold Of The Inviolables" (premier et génial album de SOTM) ni inversement. Considérons donc MARTYRIUM comme une entité entièrement solidaire à sa future forme et abordons le comme nous l'aurions abordé si nous l'avions découvert l'année de sa sortie, en 1994.

Pour mieux cerner le groupe il faut savoir qu'à l'époque de la création du groupe (1989), les frontières du Black Metal sont loin d'être clairement déterminées.
Certains groupes, les plus connus dirons nous, verront dans le Black Metal une fin en soi et le pratiqueront dans un véritable souci identitaire (citons pour le chic MAYHEM, DARKTHRONE et PROFANATICA ). D'autres artistes, plus visionnaires pour certains, y perçurent plutôt un média intéressant pour véhiculer leur message ou déployer leur talent (ULVER, NECROMANTIA ou BEWITCHED ont cela en commun). MARTYRIUM, faisant inévitablement partie de la deuxième catégorie, considère le Black Metal comme un terrain de jeu idéal pour ses expérimentations incantatoires. Nos quatre allemands, dans leur foi luciférienne, composent et enregistrent leur musique comme un bon chrétien remplit un sacrement. En cela, "L.V.X OCCVLTA" a des airs de procession et se veut l'équivalent électrique et sonore des films de Kenneth Anger, dont le groupe revendique fièrement l'influence (avec le titre "Lucifer Rising" comme hommage direct).

D'où la grande importance des introductions et des atmosphères que l'on retrouve tout au long de l'album, s'alternant entre rituel et pièces musicales. Allant jusqu'au bout dans leur démarche démoniaque, le groupe pratique un Black Metal unique et surprenant, où l'improvisation semble tenir une place importante. On sera frappé d'emblée par "A living Ba" qui suit l'introduction pesante "Atum's Speech" : sous une production de type cathédrale, des riffs pinçant et déstructurés répondent à une voix Black compréhensible et réverbérée au maximum (à un point où le phrasé du chanteur est doublé quelques seconde après). En enchainant et en alliant désordre et ordre avec la plus grande malice, MARTYRIUM donne une dimension totalement imprévisible à sa musique. Ralenti, atonalité, accéléré, répétition incohérente, retour éphémère à la logique musicale, l'orchestre ne lésine sur rien pour dérouter l'auditeur.

Parlons ensuite du jeu de batterie, dont les ligne sont peut-être les plus originales du Black Metal. Ou pas... Disons plutôt qu'elles sont les plus osées, tant elles semblent désolidarisées du reste de la musique, comme si elles avaient été improvisées séparément et collées à l'album sans plus de considérations. L'intérêt, aussi déroutant soit-il, est de faire perdre à la batterie son rôle rythmique pour en faire un instrument de plus à la panoplie rituelle de l'orchestre. Ce coté rituel ne cessera de s'étoffer tout au long de l'album atteignant des sommets sur le triptyque de fin: entre les magnifiques chants féminins de "Scarlet Woman" et les dernières paroles en silence de "Winds Of Apocalypse", c'est une véritable messe Black Metal que nous avons vécue.

On sait que NEGATIVE PLANE revendique depuis longtemps sa parenté à "L.V.X OCCVLTA", on comprend dès lors un peu mieux comment ce groupe su développer en deux albums une personnalité si forte! On regrette d'ailleurs que "L.V.X OCCVLTA" n'ait pas inspiré plus grand nombre de groupes tant son concept et sa démarche sont uniques. Je ne saurai vous dire si l'album vous fascinera ou vous dégoutera mais je peux vous garantir que cet album rare dont le jeu préféré est de bouleverser les conventions ne saura vous laisser indifférents.